Monthly Archives: December 2021

Queenie, la marraine de Harlem

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Texte Aurélie Levy et Elizabeth Colomba
Illustrations Elizabeth Colomba
Paru chez Anne Carrière

Harlem. 1933. Une femme noire, tirée à quatre épingles, est relâchée de prison. Son nom : Stéphanie St Clair. Signes particuliers : un accent français à couper au couteau et un don pour les chiffres. Née dans la misère à la Martinique, la célèbre Queenie est à la tête de la loterie clandestine de Harlem. Avec l’aide d’une poignée de complices loyaux, elle a patiemment bâti un véritable empire criminel qui règne sur Harlem tout en protégeant ses habitants des exactions des policiers.

BD en noir et blanc sur le Harlem de la prohibition, ou plus exactement sur la sortie de la prohibition.
Le personnage principal, Queenie, mène la danse. Femme de caractère, elle a su bâtir un empire sur la loterie clandestine bien qu’accablée par un passif de départ lourd : c’est une femme noire et pauvre. Sa lucidité et son intelligence feront la différence.
Nous assisterons ici à une guerre des gangs. Les mafieux ne pouvant plus bénéficier de la manne financière de la prohibition, se tournent vers la loterie, pensant rayer facilement Queenie de la carte. C’est un mauvais calcul !
Le scénario est bien documenté et passionnant, dévoilant les deux facettes de Stéphanie St Clair : reine de la pègre mais aussi totalement philanthrope et engagée dans la défense des droits civiques des noirs. Ce scénario aborde la biographie sous un angle sympa “comme une fiction”, avec un petit côté polar bien amené. Les illustrations en noir et blanc servent parfaitement ce portrait d’une femme incroyable, qui force l’admiration (malgré ses activités illicites).

Un rhinocéros à Versailles

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D’Alexandra de Broca
Paru chez Robert Laffont

« Mademoiselle l’effrontée, qui êtes-vous vraiment ? demande Louis XVI.
– Je vis pour les animaux. Le sort de votre rhinocéros m’importe plus que celui de vos sujets.
– Ce sont pourtant des cadeaux diplomatiques qui coûtent fort cher.
– Alors confiez-les aux hommes de sciences pour qu’ils étudient leur comportement ! Et offrez à votre peuple le premier zoo de France ! »

Née à la Ménagerie de Versailles où son père est soigneur, Claire, passionnée par les animaux, affirme qu’ils souffrent comme les hommes.
Malgré les critiques des nobles comme des savants, elle se bat pour améliorer les conditions de vie de ces espèces exotiques. Lorsque la Révolution éclate, Claire se retrouve à la tête d’un domaine sans personnel et sans argent, abandonné par la Cour. Comment protéger un lion, une gazelle ou un rhinocéros que les sans-culottes vouent à la mort ? Alors que la France bascule dans la violence, la jeune fille va tenter de sauver ceux qui lui sont les plus chers : les habitants de la Ménagerie.

Malgré des dehors d’une sobriété extrême, ce livre bouillonne à l’intérieur. Il aborde en effet la chaotique période de la Révolution française et ses répercussions sur la Ménagerie de Versailles, l’un des symboles de la royauté.
Sous couvert de fiction, l’historienne Alexandra de Broca s’appuie sur l’Histoire et nous propose une vision de la période 1788-1794, sous un angle très original. Nous vivrons en effet cette période par les yeux de Claire, issue du peuple mais attachée à la famille royale et totalement dévouée à la Ménagerie. A travers elle, nous suivrons le destin de ces animaux, d’abord lors de leur acheminement, puis avec le désintérêt car la Ménagerie privée du roi n’intéresse plus grand-monde depuis longtemps lorsque la Révolution éclate. Cette période de chaos ne fera que précipiter la chute. Alexandra de Broca a choisi une héroïne haute en couleur et à forte personnalité, qui ne baissera jamais les bras…
Cela nous amène au second grand thème de ce roman : le bien-être animal. En effet, Claire se soucie avant tout du bien-être des animaux dont elle a pris la charge. Elle tâche de les comprendre et de les accompagner au mieux, dans une société où ces animaux exotiques sont si mal connus, où les femmes n’ont pas vraiment voix au chapitre et enfin où les hostilités sont nombreuses et les moyens financiers inversement proportionnels aux besoins. Un thème qui résonnera sans aucun doute dans notre société moderne.
Le seul petit bémol de cette lecture sera finalement le style d’écriture, qui reste trop détaché. Si cela convient pour la partie historique, l’aspect fictif se serait, quant à lui, mieux nourri d’une prose plus chargée d’émotions, moins dans la sobriété.

Sans chichi – 70 couleurs de légumes

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Rédacteur David Moginier
Photographies Pierre-Michel Delessert

Environ 80 recettes d’alternatives légumières et fruitières à la portée de chacune et de chacun. Le grand chef Carlo Crisci a toujours porté une attention particulière aux légumes, qu’il réinvente dans des préparations originales. Est-ce à cause de ses origines italiennes, les Transalpins étant les champions des plats où des produits bien mûrs révèlent tous leurs arômes ? Dans son restaurant de Cossonay, plats et menus végétariens ont témoigné de son incroyable créativité.

A l’heure où tout un chacun est invité à contrôler et réduire sa consommation de viande et où les gens en mangent de moins en moins, ce livre de cuisine qui fait la part belle aux légumes tombe à pic, prouvant (si c’est encore nécessaire) qu’il est possible de proposer des plats intéressants à base de légumes.
Ce bel objet présente de belles photos qui mettent l’eau à la bouche et nous font penser qu’on ne peut pas, piètre cuisinier(e) que nous sommes, envisager ce genre de choses. Et puis on voit le titre (excellent !) et on se laisse tenter d’abord timidement, puis plus franchement.
Carlo Crisci a le don de sublimer le grand chef qui sommeille au fond de nous ! Il nous propose ici des recettes originales mais suffisamment simples à réaliser et expliquées de façon pédagogique (c’est souvent le point faible des recettes. Ici, cet écueil est évité).
Cerise sur le gâteau, il nous explique ensuite comment présenter notre œuvre culinaire.
Un livre de recettes abordable et original !

Un grand méchant loup !

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De Geoffroy de Pennart
Paru chez Kaléidoscope

Igor n’avait jamais imaginé être un jour en haut de l’affiche… et pourtant ! Lorsqu’un zigoto en costume sonne à sa porte pour lui proposer d’être la vedette du prochain film du grand réalisateur Otto Karskholer, Igor reste pantois. Mais pourquoi lui ? Il ne connaît rien au cinéma !

L’auteur nous avait déjà régalés il y a quelques années avec Igor et les trois petits cochons. Il revient ici sur ce thème par un autre biais.
Igor, bien que sollicité et n’y croyant pas lui même, est mis à l’épreuve par le réalisateur Otto Karskholer. Il doit montrer qu’il peut être un vrai grand méchant loup. Il doit convaincre pour obtenir le rôle dans le film du Loup et des trois petits cochons. Au fur et à mesure, Igor qui est pourtant un loup mesuré, élégant et bien élevé, sent la moutarde lui monter au nez. Et lorsqu’on le prive du dîner promis, il pète un câble. Car il y a toujours un loup redoutable qui sommeille au fond des loups bien élevés.
L’album est très drôle, avec de multiples clins d’oeils et détournements humoristiques liés au cinéma et aux contes, qui surprennent et amusent le lecteur. Le scénario est court mais travaillé, très fluide et dynamique.

Ohé Jimmy

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D’Anna Walker
Paru chez Kaléidoscope

Le papa de Jack a recueilli chez lui un perroquet égaré. Un oiseau bavard, drôle et irrésistible mais… qui prend beaucoup de place et fait beaucoup de bruit. Jack le trouve un peu envahissant.
Et si cet intrus le remplaçait dans le coeur de son papa ?

Un album de grande taille aux couleurs toutes douces, pour une histoire simple et tendre.
Tout en délicatesse, le texte introduit la jalousie insidieuse de Jack à l’égard du perroquet, sans toutefois la nommer. Le lecteur devra la reconnaître et l’identifier par lui-même.
Pourtant, Jack partira à la recherche du perroquet envolé, pour ne pas peiner son papa avec la disparition de celui-ci… Quant au papa, c’est à la recherche de Jack qu’il partira, remettant ainsi les pendules à l’heure.
La relation père-fils de ce récit, bien qu’imparfaite est remplie de tendresse. C’est un bel album signé Anna Walker.
Cette histoire touchante saura parler aux enfants autant qu’à leurs parents, faisant vibrer plusieurs cordes sensibles.