Monthly Archives: March 2021

Et les lumières dansaient dans le ciel

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D’Eric Pessan
Paru chez l’Ecole des loisirs

C’est la nuit. Elliot n’arrive pas à dormir, alors il s’en va. Il part loin de la ville, en train, pour aller voir les étoiles, et il reviendra avant le matin.
Voir les étoiles, c’est ce qu’Elliot aime le plus au monde. Autour de lui, personne ne comprend vraiment cette passion.
Avant, il observait le ciel avec son père, qui lui apprenait les constellations et les galaxies. Maintenant que ses parents sont séparés, ce n’est plus possible. Il doit y aller seul, en espérant que sa mère ne se rendra compte de rien.
Le ciel le console, le ciel le rassure, et il le connaît mieux que personne. Mais, cette fois, il est témoin d’un phénomène inexplicable : des lumières orange et vertes qui semblent danser dans le ciel.
Avec qui pourra-t-il partager cela ? Où l’écoutera-t-on ? Il lui faudra peut-être partir plus loin encore, et braver l’inconnu.

Il s’agit d’un roman sur le thème de la communication. A l’adolescence, ce n’est pas facile d’exprimer ses ressentis ou de dire ce qu’on a à dire. On ne sait pas. On n’y arrive pas. Et lorsque les événements extérieurs en rajoutent, comme ici, avec un divorce conflictuel, l’enlisement est à craindre.
Elliot est un personnage adolescent en plein questionnement interne comme sait si bien les camper Eric Pessan… Tout en sensibilité, en retenue, sans jugement, l’auteur brosse le portrait de cet ado qui n’y arrive pas. Comme il excelle dans ce registre, les mots et les situations font mouche.

Pourtant, malgré cette approche réussie, la longueur du roman est un vrai bémol. Je sais que cet auteur affectionne la forme courte mais ici, c’est définitivement trop court. On a à peine le temps de rentrer dans le quotidien des personnages que c’est déjà fini. C’est frustrant même si le récit est équilibré tel quel et intéressant.

Ballade pour une baleine

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De Lynne Kelly
Paru chez Milan

Sourde de naissance, Iris, 13 ans, s’identifie à Blue 55, une baleine incapable de communiquer avec les siens. Iris entraîne sa grand-mère jusqu’en Alaska pour la rencontrer. Un voyage fait de découvertes et de générosité. Une renaissance.

Attirée par le magnifique titre et la couverture, je ne regrette pas du tout cette lecture, bien au contraire.
Le propos interpelle. Suivre le quotidien puis les pérégrinations d’Iris, une adolescente sourde n’est pas commun. On s’attache très vite au personnage (moins aux autres personnages, cela dit). Iris est au centre du récit. Elle est fantastique !
L’intrigue suit quant à elle son cours tranquillement sans certitude sur l’issue, ce qui permet de ménager un peu de suspense, et ce, jusqu’au bout.
Enfin, le texte est superbement bien écrit et d’une poésie à couper le souffle, mais aussi avec de beaux traits d’humour. On a l’impression de traverser cette lecture dans une bulle de douceur.

Angie !

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De Marie-Aude et Lorris Murail
Paru chez L’Ecole des loisirs

Le Havre, son port, ses docks et ses trafics en tous genres. Y a t-il un lien entre la cocaïne découverte dans le container d’un négociant de café et la disparition d’un jeune docker aux mains tatouées ? Le capitaine de police Augustin Maupetit en est persuadé. Mais comment pourrait-il enquêter alors qu’il est cloué en fauteuil roulant et cloîtré dans son appartement ? Sa voisine de palier, Angie Tourniquet, 12 ans, se révèle une parfaite coéquipière. Il y aussi Thérèse, la tante médium qui joue du pendule comme personne, Capitaine, un chien renifleur dont la tête a été mise à prix par les narcotrafiquants, Alice Verne, la jeune commissaire. A eux les jambes, à Augustin la tête. Mais voilà qu’un drôle de virus venu de Chine se répand dans le pays, le président Macron s’apprête à faire une allocution télévisée. On parle d’un grand confinement… Comment mener l’enquête au temps du Covid ?

Marie-Aude Murail fait partie des autrices pour lesquelles je plonge sans hésiter. Ici on sort un peu de son style de prédilection, avec un roman policier, écrit à quatre mains.
Tout d’abord, les personnages sont très bien campés et terriblement attachants, chacun avec ses défauts. J’aime trouver une belle brochette de personnages à forte personnalité. Ils ont chacun leurs convictions, leurs envies, leurs peurs. Ils sont humains, quoi ! Que ce soit les policiers, les syndicalistes, les patrons, l’ado ou les autres, tout le monde est parfait dans son rôle, sans se noyer dans les clichés.
L’ambiance est bien installée. Elle se met en place à grands coups de pinceaux, franchement, on y est.
Enfin, l’intrigue va crescendo. Sans être révolutionnaire du genre policier, elle fonctionne très bien et est suffisamment riche pour conquérir le lecteur avec une histoire palpitante. On se régale ! Angie garantit un très bon moment de lecture. En ce qui me concerne, il n’était pas absolument indispensable de faire intervenir la pandémie de covid dans ce roman mais bon, ça le rend d’autant plus contemporain…

Bonne nouvelle, on tient peut-être le point de départ d’une nouvelle série sympathique.

Un poney à Paris

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De Claire Braud
Paru chez l’Ecole des loisirs

Pour la première fois de sa vie, Richie le petit poney prend le train et monte à Paris : Il vient voir la Tour Eiffel. Hélas, quand il arrive sur place, la tour Eiffel est fermée. On ne peut que la regarder par en dessous. Un vendeur de porte-clefs le console, il y a tant à voir, à Paris…

Une petite histoire toute simple qui embarque le lecteur dans différents quartiers de Paris. Car la Tour Eiffel n’est pas la seule chose à visiter dans cette grande et belle ville, loin sans faut ! Une grande carte est proposée à la fin d’album : un bonus sympa.
Outre l’aspect découverte, je tiens à saluer la grande bienveillance du récit. Richie n’a pas de préjugés. Il n’a pas peur de se mélanger, de parler aux gens, qui à leur tour l’orientent aimablement. Cela peut sembler anodin mais dans la vie trépidante que nous menons, un peu de bienveillance, de politesse et d’ouverture aux autres ne fait pas de mal. Je trouve sympa de trouver ces valeurs dans un album jeunesse. Par ailleurs, la chute est très mignonne et très positive encore une fois : n’oublions pas ceux qui comptent pour nous et n’ayons pas peur de le leur montrer.
Les illustrations et le très grand format font le charme de cet album. Elles vont bien au-delà du texte. Si elles ne sont pas tout à fait dans mes goûts de prime abord, je dois leur reconnaître une belle fraîcheur et une franche gaieté. Elles fourmillent tellement de détails qu’on a presque l’impression d’être dans un Cherche et trouve. Il y a matière à y passer pas mal de temps pour bien profiter de tous ces détails et ainsi prolonger agréablement la lecture.

La lumière est à moi

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De Gilles Paris
Paru chez J’ai lu

Anton, Eytan, Angus, Julian, Aaron, Lior, Ethel, Anna, Ruth, Ambre, Brune… Les héros romanesques de Gilles Paris ont tous en commun une part d’enfance déchue, le désir de s’échapper, happés par l’espoir d’une vie plus lumineuse. Des bords de Seine aux rivages du lac Léman, de la mer des Éoliennes à l’océan Atlantique, leurs destins intranquilles se nouent et se dénouent, à l’heure où les paysages s’incendient en fin de journée.

Ce recueil de nouvelles (qui inclut une nouvelle inédite  dans cette réédition chez J’ai lu) propose comme fil rouge le passage de l’enfance à l’adolescence et de l’adolescence à l’âge adulte et par extension, le ressenti des “enfants” face à des adultes qui ne se comportent pas toujours ou pas vraiment comme ils le devraient. Vaste sujet ! Les nouvelles sont très courtes pour certaines mais ont chacune leur intrigue. Le format court ne réduit par ailleurs en rien l’intensité de chacune d’entre elle. L’émotion est au rendez-vous, avec à plusieurs reprises le thème du divorce ou du deuil tel qu’il peut être vécu par l’enfant déjà un peu grand (donc jugé capable d’assumer). Le thème de la violence parentale revient à plusieurs reprises également.
C’est profond, sincère, touchant. Comme toujours Gilles Paris fait preuve de cette poésie, de cette sensibilité qui sait trouver les mots justes. Comme toujours, il sait extirper le laid et le transcender pour nos petits cœurs délicats de lecteurs. Pour autant, j’utilise le mot “laid” mais ce recueil est moins noir que certains de ses autres écrits.
La lumière et à moi est très agréable à lire et fait résonner tout un tas de cordes sensibles. On imagine sans mal une nuée de papillons voletant autour de notre tête, en harmonie avec cette lecture, le souffle du vent dans les cheveux, le bruit de la pluie, le reflet de la mer suggérés par Gilles Paris. Après avoir lu Certains cœurs lâchent pour trois fois rien (voir chronique), j’étais curieuse de lire le livre qui a brisé le cycle des dépressions de l’auteur. Ce recueil à la fois sombre et lumineux est vraiment empreint de tendresse et de douceur, parfaitement à même d’inaugurer un nouveau cycle positif…