Monthly Archives: September 2020

Alma tome 1 – Le vent se lève

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De Thimothée de Fombelle
Paru chez Gallimard jeunesse

1786. Quittant la vallée d’Afrique qui la protégeait du reste du monde, Alma, 13 ans, part seule à la recherche de son petit frère disparu. Pendant ce temps, à La Rochelle, le jeune Joseph Mars embarque clandestinement sur La Douce Amélie, l’imposant navire de traite du cruel capitaine Gardel. Il est en quête d’un immense trésor, mais c’est Alma qu’il va découvrir…

Premier volet d’une trilogie ayant pour toile de fond la traite des noirs.
Ce roman raconte l’histoire d’une famille ballottée au cœur de l’Histoire. Une famille tellement mystérieuse aux liens très fort, qui se dévoile petit à petit. C’est très intrigant et l’apport des traces (je n’en dis pas plus pour ne rien spoiler, ce serait dommage) arrive à point nommé, pour apporter un rebondissement tout en poésie.
Thimothée de Fombelle pose une ambiance “exotique” très réussie. Il décrit également l’esclavage de façon simple et réaliste. Sans en rajouter dans le sordide et sans cacher ce qui est. Cela justifie en soi l’intérêt de ce roman. Dévoiler ces pans de l’Histoire aux ados est essentiel, leur faire comprendre qu’on ne peut agir comme cela est impératif. Mais l’auteur ne s’en tient pas là puisqu’il nous offre également une aventure passionnante. Le rythme n’est pas effréné mais le suspense est là. L’intrigue très prenante est portée par des personnages hauts en couleur. Alma et de Joseph Mars sont extraordinaires, j’ai hâte de les retrouver dans le tome 2, pour lequel il faudra malheureusement attendre 2021…
Un très gros coup de coeur !

La bibliothèque enchantée

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Mohammad Rabie
Paru chez Actes Sud

Chaher, jeune fonctionnaire du ministère des “Biens de mainmorte”, se voit confier une mission inhabituelle : rédiger pour la forme un rapport sur une bibliothèque oubliée du Caire que l’État veut raser pour faire passer une nouvelle ligne de métro. Il se décide pourtant à mener sérieusement son enquête et, peu à peu, tout un monde mystérieux et labyrinthique s’ouvre à lui dans cette bâtisse délabrée et poussiéreuse où les ouvrages sont entassés sans cotation ni indexation et où l’on trouve des traductions dans toutes les langues imaginables. Fasciné par l’étrange bibliothèque, il ne l’est pas moins par la poignée d’originaux qui la fréquentent, comme Ali, célèbre traducteur ayant perdu toute foi en son métier, ou “Jean le copiste”, homme mutique ayant passé sa vie à photographier des livres page après page et, surtout, Sayyid, vieil intellectuel nihiliste, cynique et truculent, qui connaît la bibliothèque comme sa poche mais n’est pas prompt à divulguer ses secrets.

Dans ce roman surprenant, Mohammad Rabie tisse d’une main de maître une double trame narrative. Entre la voix de Chaher et celle de Sayyid, son récit dévoile des franges de marginalité, loin de l’étau suffocant de la bureaucratie, et des strates de rêves et de légendes sous l’épiderme racorni de la ville.

Quel roman étrange. Séduite par la sublime couverture qui en plus d’être esthétique, pousse à la réflexion et intriguée par le résumé, j’ai attaqué cette lecture avec entrain, avant de lever le pied, décontenancée par cette lecture.

Le texte est complexe, avec de nombreuses références littéraires et très contemplatif. Il ne se passe finalement pas grand-chose. Cela dit, ce n’est pas le but de ce genre de livre. Dans ce cas, le mystère est maintenu tout du long, sans que l’action ne vienne. Tout au plus sera-t-il clôturé par une fin fantastique,  qui restera toutefois énigmatique. Le récit évolue ainsi par petites touches, au fur et mesure que nous faisons connaissance avec les personnages, comme si cette histoire et cette bibliothèque mystérieuse se méritaient.

Soulignons au passage l’ironie de l’auteur qui évoque la lecture d’un roman correspondant très sérieusement aux caractéristiques du sien et vertement critiqué par le personnage principal.

Au final, le récit reste intéressant (en tant que traductrice, j’ai lu avec intérêt les considérations concernant la traduction, la fidélité au texte en passant  d’une langue à l’autre, la recherche du mot juste…) et je pense qu’il s’agit d’une de ces lectures qui doivent être digérées et dont des bribes reviennent hanter le lecteur longtemps après. On verra !

Quartier lointain, intégrale

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De Jiro Taniguchi
Paru chez Casterman

Un Japonais d’une cinquantaine d’années se remet difficilement des excès d’alcool commis la veille ; à tel point qu’il se trompe de train pour rentrer chez lui. Il se retrouve dans celui qui se dirige vers la ville de son enfance et il en profite pour se rendre sur la tombe de sa mère. Ce retour sur les traces de sa jeunesse va se transformer en bond dans le temps car notre héros va être transporté dans la peau de ses quatorze ans.

On peut toujours redouter la lecture d’un livre qui déchaîne les passions. Cela m’aura pris du temps avant que je me décide à défilmer ce petit bijou. Déjà, c’est un bel objet, simple mais de qualité, avec une taille suffisamment grande, une belle couverture et un petit cordon marque-pages.

Quartier lointain est une bande dessinée sensible, pleine de nostalgie et de tendresse. Si le point de départ est somme toute assez classique, son traitement est sans reproches et entraîne le lecteur en immersion (et l’incite peut-être à une introspection). En alternant les scènes émouvantes et drôles et en dosant subtilement la légèreté (ou non) du propos, Jiro Taniguchi évite les écueils. Il gomme le superflu, tant dans les dessins que dans le texte, pour ne garder que l’essentiel, qui va droit au coeur.
Les illustrations réussissent à allier poésie et douceur avec rigueur et efficacité. Très fines et épurées, elles semblent parfois tirées au cordeau, sans se priver de découpages et mises en page audacieux. Elles servent parfaitement l’histoire.
Le texte a une portée universelle. Il dose subtilement nostalgie et joie, pour mieux mener le lecteur par le bout du nez, tranquillement. C’est une lecture agréable et pleine de charme, pas moralisatrice pour deux sous, qui a misé sur la simplicité pour séduire et qui parvient sans aucun doute à son objectif.

Sherlock, Lupin & moi

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sherlockD’Irène Adler
Paru chez Albin Michel jeunesse

Été 1870, Sherlock Holmes, Arsène Lupin et Irene Adler font connaissance à Saint-Malo. Les trois amis espèrent profiter de leurs vacances en bord de mer, mais le destin leur a réservé une surprise. Un corps s’est échoué sur une plage voisine et les trois camarades se retrouvent au beau milieu d’une enquête criminelle. Un collier de diamants a disparu, le mort semble avoir deux identités et une silhouette fantomatique apparaît la nuit sur les toits de la ville. Trois détectives ne seront pas de trop pour résoudre l’énigme de Saint-Malo!

Avec sa couverture toute mignonne (un bon point pour les clins d’œil bien trouvés) et ses prestigieux personnages annoncés dans le titre, ce roman attire l’œil. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il tient ses promesses.

La présentation est déjà énigmatique à souhait. Qui est Irène Adler ? C’est une aventurière. Alors, c’est elle l’autrice ? Eh bien non, c’est un personnage de fiction ! Mais comme il est habile de faire croire qu’elle a ici raconté sa rencontre avec Sherlock Holmes et Arsène Lupin un été à St Malo. Rencontre qui sera à l’origine d’une belle amitié, cimentée par une (première ?) enquête commune.

Ce petit roman nous présente donc rien de moins que nos héros à l’âge de l’adolescence. Des traits de caractère et des indications sur leur avenir sont habilement disséminées ça et là, comme des petits indices.

Les trois personnages ont un charme fou et contribuent à embellir l’histoire. L’enquête est quant à elle palpitante et passionnante. On est sur un “vrai” roman policier, avec une affaire plus complexe qu’elle n’en avait l’air au départ.

Sans aucun doute le point de départ d’une belle série.