Category Archives: Fantastique et Fantasy

L’assassin royal Première époque (tomes 1 à 6)

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De Robin Hobb
Paru chez Pygmalion/J’ai lu en tomes uniques ou en intégrales (il existe plusieurs éditions de chaque)

Fitz est le bâtard d’un des princes des Six Duchés. Abandonné aux soins de Burrich, le maître d’écuries, il grandit à la Cour dans le mépris des autres. Cependant, il est loin d’être inutile au roi, grâce à ses liens de sang, aussi devient-il à l’adolescence l’homme lige du souverain. En échange d’une éducation et d’un foyer, il donne sa parole de toujours servir le roi même si sa mission doit rester secrète.

En attaquant le tome 1 de l’assassin royal, on part pour une épopée au long cours. La première époque comporte 6 tomes et la seconde 7 tomes (sans compter les ramifications et autres aventures dans le même univers). Les lecteurs mesurés aimant étaler leurs sagas dans le temps auront du mal à trouver leur compte ici, d’une part parce que le découpage des tomes anglais a été fait curieusement en français et qu’il est impossible de s’arrêter à la fin de certains tomes et d’autre part parce que Robin Hobb sait y faire pour rendre le récit addictif…
Concernant le découpage, je conseille donc de privilégier les intégrales, qui ont le mérite de ne pas laisser le lecteur démuni en cas de fin un peu trop abrupte. Ainsi, la première époque se sépare en deux tomes d’intégrale, sachant que les 3 tomes contenus dans la seconde intégrale sont en fait un seul et même tome en anglais, détail qui a son importance pour apprécier l’enchaînement des événements et la montée en puissance de l’intrigue. Il convient donc de prévoir de les lire à la suite, pour une immersion complète (ce qui ne va pas contribuer le moins du monde à développer le niveau de sociabilité du lecteur mordu).

Il s’agit ici de fantasy, dans un univers médiéval bien campé plutôt original. Le récit, dense et plein de surprises, nous entraîne rapidement dans des intrigues de cour, des complots, avec leur lot d’alliances ou de trahisons qui offrent au lecteur de multiples rebondissements pour une lecture au long cours plus que réjouissante qui nous entraîne loin loin loin sans que l’on voie passer le temps.

Côté personnages, la mise en place fonctionne parfaitement avec des personnages travaillés, auxquels on s’attache très vite (ou pas). Les caractères sont entiers et les personnages très humains, avec chacun leurs bons et moins bons côtés, ce qui les rend parfaitement crédibles, renforçant encore l’attachement que l’on peut éprouver à leur égard.

Une excellente saga merveilleusement dosée qui vaut totalement le coup, avec la certitude de passer un excellent moment.

Saga La tour de garde

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De Guillaume Chamanadjian et Claire Duvivier
Paru chez Aux forges de Vulcain

Il s’agit d’un projet original, écrit à quatre mains, Guillaume Chamanadjian s’occupant des trois tomes de Capitale du Sud et Claire Duvivier de ceux de Capitale du Nord. Deux cités et modes de vie différents dans un même univers. L’alternance des tomes offre une expérience de lecture vraiment intéressante (et pour ma part inédite). Une conception qui a de quoi attiser la curiosité d’emblée, épaulée par de belles couvertures stimulant efficacement les appétences. Chaque capitale a ses propres règles, ses propres soucis, et pourtant, des traits d’union vont apparaître, d’abord ténus, puis plus francs et marqués. Dans les deux cas, la politique et les intrigues seront omniprésentes… Dans les deux cas, la magie sera sombre, mystérieuse et fascinante. Avec sa construction atypique et un nombre de tomes suffisant pour mener une intrigue sympa, c’est une saga qui vaut le coup.

Résumé du premier tome de Capitale du Sud
Enfermée derrière deux murailles immenses, la Cité est une mégalopole surpeuplée, constituée de multiples duchés. Commis d’épicerie sur le port, Nox est lié depuis son enfance à la maison de la Caouane, la tortue de mer. Il partage son temps entre livraisons de vins prestigieux et sessions de poésie avec ses amis. Suite à un coup d’éclat, il hérite d’un livre de poésie qui raconte l’origine de la Cité. Très vite, Nox se rend compte que le texte fait écho à sa propre histoire. Malgré lui, il se retrouve emporté dans des enjeux politiques qui le dépassent, et confronté à la part sombre de sa ville, une cité-miroir peuplée de monstres.

L’auteur s’appuie sur un héros qui semble simple, avec des émotions et des préoccupations humaines (c’est-à-dire que tout un chacun peut comprendre et auxquelles il est éventuellement possible de s’identifier), un personnage à la croisée de différentes strates de la société, parfait pour lancer la saga. Et pourtant la ville recèle bien des mystères. Ceux-ci vont commencer à se dévoiler au fil du premier tome, qui permet de poser le décor et de mettre en place un univers riche, bien que s’appuyant des bases de fantasy urbaine assez classiques. On démarre sur des bases tranquilles, puis le rythme s’accélère, tout en laissant de la place pour la suite. J’ai regretté pour ma part que ce premier tome reste un peu trop en surface et il m’aura fallu deux lectures de celui-ci, puis les tomes suivants, avant d’entrer pleinement dans cette intrigue.

Dès le tome 2, on est au cœur de l’action, qui comporte son lot de complots et de manipulation, nous entraînant à un rythme rapide vers un final explosif. Les seconds tomes sont parfois (trop souvent) un peu faiblards. Celui-ci fait exception, installant efficacement une tension qui va crescendo.

Le dernier tome est marqué par une évolution du personnage principal, pour mieux se reconstruire. Parallèlement, l’univers et les points restés en suspens finissent de se dévoiler. L’auteur s’appuie sur les contes, ce qui est bien trouvé, apportant à la fois délicatesse et noirceur à l’intrigue, avec un beau final, parfaitement à la hauteur des promesses esquissées dans les tomes précédents. La tension est parfaitement dosée sur l’ensemble des trois tomes, le rythme soutenu et la fin grandiose.

Résumé du premier tome de Capitale du Nord
Amalia Van Esqwill est une jeune aristocrate de Dehaven, issue d’une puissante famille : son père possède une compagnie commerciale et sa mère tient un siège au Haut Conseil. Progressistes, ils lui ont offert, à elle et à d’autres enfants de la Citadelle, une instruction basée sur les sciences et les humanités. Jusqu’au jour où le fiancé d’Amalia se met en tête de reproduire un sortilège ancien dont il a appris l’existence dans un livre. Au moment précis où la tension accumulée dans les Faubourgs explose et où une guerre semble prête à éclater dans les colonies d’outre-mer, la magie refait son apparition dans la ville si rationnelle de Dehaven. Et malgré toute son éducation, Amalia ne pourra rien pour empêcher le sort de frapper sa famille et ses amis.

Tout comme dans le premier tome de Capitale du sud, le rythme de départ est tranquille. Les choses se mettent en place, avec de nouveaux protagonistes et une ambiance résolument différente. Le mystère s’épaissit tranquillement, laissant pas mal de questions en suspens pour plus tard. Cette amorce est nettement moins sombre que pour Capitale du sud, avec un côté peut-être plus jeunesse. On suit malgré tout le même mode opératoire, avec un final plein de surprises qui rebat totalement les cartes et relance le lecteur pour la suite (en le laissant estomaqué).

Le tome 2 est ici aussi très bien dosé, avec une psychologie des personnages bien travaillée, gagnant en originalité au fil du développement de l’intrigue.

La rencontre entre nos protagonistes (et donc des deux « mondes » explorés dans chaque trilogie) intervient dans les tomes 3. D’abord Capitale du Sud, puis Capitale du Nord. Lors de la lecture des tomes 2, tout le monde se demande quand, comment, etc. et cela se fait finalement de façon assez naturelle dans le troisième tome. Tout et chacun trouve sa place… Après les émotions suscitées par le dernier tome de Capitale du Sud et les rebondissements en cascade, la première partie de ce tome 3, bien qu’apportant une nouvelle lumière sur certaines situations, semble redondante et bien moins intense. La dernière partie nous amène quant à elle au bout de l’intrigue, finissant de dénouer les derniers fils, avec son lot d’actions, clôturant la saga avec élégance (mais avec tout de même moins de panache que la première trilogie, il faut le reconnaître).

La vie invisible d’Addie Larue

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De V.E. Schwab
Paru chez Lumen

Une vie dont personne ne se souviendra… Une histoire que vous ne pourrez plus jamais oublier… Une nuit de 1714, dans un moment de désespoir, une jeune femme avide de liberté scelle un pacte avec le diable. Mais si elle obtient le droit de vivre éternellement, en échange, personne ne pourra jamais plus se rappeler ni son nom ni son visage. La voilà condamnée à traverser les âges comme un fantôme, incapable de raconter son histoire, aussitôt effacée de la mémoire de tous ceux qui croisent sa route. Ainsi commence une vie extraordinaire, faite de découvertes et d’aventures stupéfiantes, qui la mènent pendant plusieurs siècles de rencontres en rencontres, toujours éphémères, jusqu’au jour où elle pénètre dans une petite librairie à New York : et là, pour la première fois en trois cents ans, l’homme derrière le comptoir la reconnaît. Quelle peut donc bien être la raison de ce miracle ? Est-ce un piège ou un incroyable coup de chance ?

Tout d’abord, je tiens à avouer que si ce livre m’a fait envie au départ, c’est pour sa couverture, qui a exercé (et exerce toujours) une très forte attractivité sur moi. Par ailleurs, le résumé était intrigant, parfois il n’en faut pas plus !

L’univers est intéressant et suffisamment élaboré pour tenir en haleine, sans toutefois être plein de surprise non plus, mais cela fonctionne très bien grâce notamment aux sauts de durée inégale dans différentes périodes du passé ou le présent, qui dévoilent les éléments importants petit à petit, pour tisser un canevas menant au dénouement. L’autrice en joue par ailleurs habilement, n’hésitant pas à donner des indices sur le futur ou le passé au fil du récit. Je pense toutefois que le background historique aurait mérité d’être plus fouillé pour gagner en profondeur. L’intrigue, naviguant entre réalité et fantastique, est sombre juste ce qu’il faut, l’ambiance bien installée. Addie est quant à elle un personnage très attachant qui attire immédiatement la sympathie du lecteur, mais les personnages « secondaires » sont également intéressants. L’arrivée d’Henry dans l’intrigue est d’ailleurs la bienvenue pour éviter une éventuelle lassitude et bien relancer tout cela.
J’ai absolument adoré les œuvres d’art présentées en début de partie, puis retrouver leur origine dans le récit. Je suis particulièrement sensible aux textes abordant les arts et j’ai trouvé cela particulièrement bien amené. Malheureusement, le rythme (tranquille) souffre de quelques longueurs, notamment sur la fin et un sentiment répétitif de déjà vu avec une situation qui n’évolue guère pendant un moment, avant un dénouement dynamique, qui parvient, peut-être, à surprendre (ce ne fut hélas pas mon cas). Ce bémol ne m’a pas empêchée de passer un bon moment de lecture…

Le temps des sorcières

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D’Alix E. Harrow
Paru chez Hachette (Le Rayon imaginaire)

Avant, quand l’air était si imprégné de magie qu’il laissait un goût de cendres sur la langue, les sorcières étaient féroces et intrépides, la magie flamboyait et la nuit leur appartenait. Ce temps n’est plus, les hommes ont dressé des bûchers, et les femmes ont appris à se taire, à dissimuler ce qui leur restait de magie dans des comptines, des formules à deux sous et des contes de bonne femme.
Mais la vraie sorcellerie n’a besoin que de trois choses pour renaître : la volonté de l’écouter, les vers pour lui parler, et les voies pour la laisser pénétrer le monde. Car tout ce qui est important va par trois.
Ainsi des sœurs Eastwood : Bella, Agnès et Genièvre. Mues par la colère, la peur… et une pulsation écarlate qui ne demande qu’à revivre, des dons qu’elles découvrent peu à peu. Il suffit pour cela de s’unir, et d’y croire, de traquer tous les interstices où elle se dissimule. Car la magie, c’est d’abord penser que chacun est libre d’agir, même si le mal rôde. Le temps des Sorcières pourrait alors bien revenir, pour notre plus grand bénéfice à tous, hommes et femmes.

Un texte à l’ambiance particulière, assez mélancolique mais passionnante et totalement immersive, qui prend le temps d’installer le décor et les personnages.

S’appuyant sur des événements historiques (la naissance des suffragettes à New Salem, aux Etats-Unis), l’autrice s’en détache pour broder habilement sur le thème de la condition des femmes et introduit le fantastique et l’ésotérisme avec délicatesse. Entre traditions et folklore, la magie, bien présente, s’appuie sur les contes anciens, à moins que ce ne soit l’inverse…

Ici, on a affaire à une sorcellerie intime, profondément ancrée, une sorcellerie du quotidien latente en chacune de nous, qui se transmet de mères en filles et que l’on retrouve dans des chansons, des comptines ou encore des contes anciens. Il est également question de solidarité, d’entraide afin d’atteindre une certaine unité à même de permettre aux femmes de s’exprimer et tout simplement d’exister dans une société puritaine à l’extrême.

Le récit est assez dense dans l’ensemble et, malgré quelques longueurs, captivant, avec un déchaînement de rebondissements et une tension intense sur le dernier tiers, qui laissera le lecteur pantelant.

Meute

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De Karine Rennberg
Paru chez ActuSF

Roman atypique lycantrope, Meute suit Nathanaël, Val et Calame. Si le premier est un loup-garou né de la violence et la solitude, le second est un humain à qui l’on a volé la voix alors que le troisième est un loupiot traumatisé, incapable d’accéder à la moindre autonomie. Ce récit fantastique est avant tout celui d’une tranche de vie, de ce moment où tout bascule entre le noir et la lumière.

Une fois passé l’écueil d’une narration très particulière et un peu déstabilisante, qui nous donne le point de vue de chacun des trois personnages principaux tour à tour (mais sans ordre précis), à la seconde personne du singulier, on plonge bien vite dans ce récit intimiste résolument atypique et cette histoire de loups-garous (mais pas que) qui sort franchement des sentiers battus de la bit lit. Le texte est archi fluide et le récit parvient à faire passer énormément d’émotions, alternant entre violence et douceur pour un ressenti plein de tendresse très touchant malgré un univers sombre. Et l’alchimie fonctionne admirablement… Cette lecture est un coup de cœur pour moi et s’est achevée dans une belle bulle arc-en-ciel !

La princesse au visage de nuit

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De David Bry
Paru aux Editions de l’Homme sans nom

Dans les bois vit la princesse au visage de nuit ; ses yeux sont des étoiles et ses cheveux l’obscur. Hugo, enfant violenté par ses parents, s’est enfui avec ses amis dans la forêt, à la recherche de la princesse au visage de nuit, qui exaucerait les vœux des enfants malheureux… Il est ressorti du bois seul et sans souvenirs, et a été placé dans une famille d’accueil.
Vingt ans plus tard, alors qu’il a tout fait pour oublier son enfance, Hugo apprend la mort de ses parents. Mais, de retour dans le village de son enfance, il découvre que ses parents auraient été assassinés, et d’étranges événements se produisent. La petite voiture de son enfance réapparaît comme par magie. De mystérieuses lueurs brillent dans les bois. Les orages soufflent des prénoms dans le vent.

Avec un tel résumé, ce roman avait tout pour m’attirer et cela n’a pas loupé. Telle une mouche avisant une cuillère de confiture, j’ai foncé, d’autant plus que David Bry est un auteur que j’avais apprécié (notamment avec Que passe l’hiver, moins pour Le chant des géants), ne serait-ce que parce qu’il est expert plus plus en installation d’ambiance. Et il sait choisir ses ambiances : mystérieuses, intrigantes, voire angoissantes, tout ce que j’aime.
La princesse au visage de nuit est un roman plutôt ancré dans le réel, avec une touche de fantastique. Partant sur une base de vieilles légendes, de drame ancien, de secrets de village voire de famille, il navigue entre passé et présent pour mieux perdre le lecteur et tout mêler.
Pour autant, le potentiel fantastique a été ici globalement sous-exploité à mon goût. C’est dommage, mais cela reste du coup un petit peu poussif et le dénouement est hélas trop rapide. Cela aurait pu être une lecture dingue, elle fut simplement plaisante.
Un bon moment de lecture à la frontière du thriller, du contemporain et du fantastique, avec un texte rythmé et plein de suspense.

Saga Blackwater

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De Mickael McDowell
Traduction Yoko Lacour et Hélène Charrier
Paru chez Monsieur Toussaint Louverture

Pâques 1919, alors que les flots menaçant Perdido submergent cette petite ville du nord de l’Alabama, un clan de riches propriétaires terriens, les Caskey, doivent faire face aux avaries de leurs scieries, à la perte de leur bois et aux incalculables dégâts provoqués par l’implacable crue de la rivière Blackwater.
Menés par Mary-Love, la puissante matriarche aux mille tours, et par Oscar, son fils dévoué, les Caskey s’apprêtent à se relever… mais c’est sans compter l’arrivée, aussi soudaine que mystérieuse, d’une séduisante étrangère, Elinor Dammert, jeune femme au passé trouble, dont le seul dessein semble être de vouloir conquérir sa place parmi les Caskey.

Il s’agit d’une saga en 6 tomes, publiée dans les années 80 en langue anglaise sous forme de feuilleton (et ayant connu un vif succès à l’époque), sortie en français par Monsieur Toussaint Louverture sous forme de romans de 250 pages en publications échelonnées, à raison d’un tous les 15 jours. Un rythme de parution original, offrant des livres aux finitions plus que soignées et originales, comme sait si bien le faire cette maison d’édition, dans une sorte de format poche de luxe. Les couvertures arborant des illustrations genre gravures à l’eau-forte anciennes sont superbes ! Le pari semble réussi car cette saga a beaucoup fait parler d’elle dès le début et continue visiblement à séduire des lecteurs de tous âges et de tous horizons littéraires, s’imposant par là comme l’un des événements littéraires majeurs de 2022.
L’intrigue de cette grande fresque familiale est elle aussi atypique et ponctuée d’éléments fantastiques, voire horrifiques. Cela peut donc conduire à classer Blackwater dans la case OLNI (objet littéraire non identifié) !
Le style et le scénario sont construits de manière à ménager le suspense et le mystère. La plume est totalement addictive et chaque tome se termine sur un cliffhanger (celui du tome 1 est assez extrême, les autres seront heureusement un peu plus doux avec le lecteur…) qui donne terriblement envie de se jeter sur la suite. La tension monte graduellement jusqu’au tome 3 où elle atteint un premier palier dans l’intrigue. En ce qui me concerne, les trois derniers tomes ne m’ont pas procuré autant de plaisir de lecture que les trois premiers qui alliaient à merveille découverte et tension savamment dosée. Ils restent néanmoins fort plaisants et on est ravis de continuer cette aventure auprès des Caskey, mais une page a tout de même été tournée.
Par ailleurs, même si le récit est ancré dans son contexte historique (qui vient habilement souligner cette fresque familiale étalée dans le temps), on soulignera que l’auteur était très en avance sur son temps car il n’hésite pas à créer des personnages de femmes fortes et de pouvoir, aborder l’homosexualité, mais aussi à briser les tabous concernant la condition des Noirs aux États-Unis.
J’ai pour ma part beaucoup aimé cette lecture, autant sur le fond que sur la forme et je recommande vivement cette saga !

La mer sans étoiles

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Erin Morgenstern
Paru aux éditions Sonatine

“Aucune histoire ne s’achève jamais vraiment tant qu’elle continue à être racontée.”

Dans la bibliothèque de son université, Zachary Ezra Rawlins trouve un livre mystérieux, sans titre ni auteur. Découvrant avec stupéfaction qu’une scène de son enfance y est décrite, il décide d’en savoir davantage. C’est le début d’une quête qui le mènera à un étrange labyrinthe souterrain, sur les rives de la mer sans Étoiles. Un monde merveilleux fait de tunnels tortueux, de cités perdues et d’histoires à préserver, quel qu’en soit le prix…

Certains romans ont tout pour être aimés. Celui-ci m’a tout de suite interpellée par sa quatrième de couverture. Un roman pile dans mon univers, parlant d’histoires, d’imaginaire… La perspective d’un bonheur total et sans concession ! Je m’y suis donc attelée dans la joie et la bonne humeur.

Force a été de constater rapidement que la plume est exigeante. Très onirique et bourrée de métaphores ainsi que de références, elle séduit d’abord, puis finit par donner une sensation d’exagération. Le roman est assez long et certains passages relativement lents, ce style d’écriture, bien qu’agréable en soi, ne favorise donc pas la fluidité de lecture sur le long terme.
Concernant l’intrigue, l’esprit de la lectrice pourtant peu cartésienne que je suis a paniqué assez rapidement devant le schéma narratif. Ces bribes d’histoires dans l’histoire apparemment sans queue ni tête, cette aventure très mystérieuse qui démarre par ailleurs avec Zachary… L’objectif semble être de désorienter la Lectrice pour mieux la promener ensuite. Le but est atteint ! Cette première surprise passée, il est agréable de plonger dans cette marée d’histoires qui finissent par converger plus ou moins (parfois moins que plus), avant d’emprunter de nouvelles ramifications. Au royaume de l’imaginaire, la Lectrice devient la reine des spectatrices. Hélas, en s’abandonnant, elle s’est un peu perdue en chemin. Difficile de suivre le fil d’Ariane dans ce labyrinthe en spirale qui nous entraîne toujours plus profond sous la Terre, entremêlant passé, présent, futur et moments imaginaires, jouant avec les mises en abyme jusqu’à un final énigmatique comme une ultime désillusion douce-amère.

Si le récit est poétique et offre des possibilités infinies, il est malheureusement bien trop alambiqué. C’est trop. Trop quoi ? Trop tout, finalement. Et pourtant la Lectrice est captivée…  Certes, mais pas totalement envoûtée pour autant.
Il me restera de cette lecture le bonheur d’avoir pénétré un univers “magique” et le regret de ne pas avoir su vraiment trouver mon chemin dans ce labyrinthe. D’autres y parviendront sans doute mieux.

Les miracles du bazar Namiya

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De Keigo Higashino
Paru chez Actes sud (GF et poche)

En 2012, après avoir commis un méfait, trois jeunes hommes se réfugient dans une vieille boutique abandonnée dans l’intention d’y rester jusqu’au lendemain. Mais tard dans la nuit, l’un d’eux découvre une lettre, écrite 32 ans plus tôt et adressée à l’ancien propriétaire. La boîte aux lettres semble étrangement connectée aux années 1980. Les trois garçons décident d’écrire une réponse à cette mystérieuse demande de conseil. Bientôt, d’autres lettres arrivent du passé. L’espace d’une nuit, d’un voyage dans le temps, les trois garçons vont changer le destin de plusieurs personnes, et peut-être aussi bouleverser le leur.

Ce roman est difficile à “ranger”. On dirait un contemporain, mais il pourrait aussi se classer en fantastique ou science-fiction. C’est un roman mystérieux à suspense qui pourtant se passe presque à huis clos. Mais qu’est ce que c’est que cet OLNI (objet à lire non identifié) ?

Eh bien c’est un roman passionnant, dont la construction déroute le lecteur pour mieux le balader entre le passé, le présent et le futur, dont les frontières sont très minces, mais aussi naviguer et se perdre entre la réalité et le mystère. Keigo Higashino est un magicien qui sait entortiller son petit monde. Avec sa forme plus qu’originale et son contenu ô combien captivant, Les miracles du bazar Namiya est une belle réussite. Le livre a fait l’objet de plusieurs adaptations cinématographiques, notamment au Japon et en Chine.
Outre l’intrigue elle-même, le livre est extrêmement bien écrit et ficelé, tout en pudeur et délicatesse et déclenche toute une palette d’émotions qui font mouche. L’histoire est très touchante et on embarque très vite dans cette aventure savamment dosée qui sait tenir le lecteur en haleine, en lui offrant une belle plongée dans la société japonaise.
Un coup de cœur massif !

Le sanctuaire d’Emona

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D’Alexandra Koszelyk
Paru chez Robert Laffont

Le premier tome d’une saga fantastique à la beauté envoûtante, une ode à la Nature et à la puissance de la douceur contre la barbarie. Séléné n’a gardé de son passé d’enfant adoptée que son prénom et une mystérieuse marque en forme de croissant de lune au creux du poignet. Irina prétend lire dans les étoiles, consulte sans cesse son tarot divinatoire et fabrique des santons magiques dans des écorces de bois.
L’une et l’autre n’ont rien en commun, mais lorsqu’elles se retrouvent coincées en Slovénie dans une étrange maison dissimulée au fond d’un parc planté d’arbres centenaires, elles comprennent que leur rencontre n’est pas liée au hasard. Des forces invisibles sont à l’œuvre, qui les poussent au seuil d’une découverte extraordinaire. De celles qui changent la face du monde.

Ce premier opus tient du voyage initiatique et nous propose une véritable odyssée à la recherche de “nos” racines. Porté par une belle plume qui nous offre un texte ciselé, poétique et riche, le récit démarre tranquillement. La mise en place est un peu lente au regard de la densité de la suite et de la soudaine accélération du dernier quart. Certes, l’urgence est là, mais le rythme s’en trouve brisé et le lecteur déstabilisé. A cela près, le voyage est enchanteur, presque envoûtant. L’histoire est profonde, riche de références culturelles et de ramifications, et surtout, follement mystérieuse. Elle s’appuie sur l’histoire de la ville de Ljubljana en Slovénie, ce qui contribue à lui donner encore plus de consistance. L’intrigue est captivante, malgré quelques incohérences. Je suis curieuse de lire la suite de cette aventure…