Monthly Archives: July 2023

Mon désir le plus ardent

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De Pete Fromm
Paru chez Gallmeister

Maddy s’était juré de ne jamais sortir avec un garçon du même âge qu’elle, encore moins avec un guide de rivière. Mais voilà Dalt, et il est parfait. À vingt ans, Maddy et Dalt s’embarquent dans une histoire d’amour qui durera toute leur vie. Mariés sur les berges de la Buffalo Fork, dans le Wyoming, devenus tous deux guides de pêche, ils vivent leur passion à cent à l’heure et fondent leur entreprise de rafting dans l’Oregon. Mais lorsque Maddy, frappée de vertiges, apprend qu’elle est enceinte et se voit en même temps diagnostiquer une sclérose en plaques, le couple se rend compte que l’aventure ne fait que commencer.

Quel couple magnifique. Leur rencontre est magique, l’évidence est là…
Malheureusement, tout “veinards” qu’ils s’estiment, la main lourde du destin leur tombe sur les épaules, avec cette sclérose en plaques. Au départ jeunes, beaux et musclés (autant dire invincibles), ils deviendront tributaires de cette satanée maladie qui change tout. Pourtant la puissance de leur amour ne faiblira pas et ils refuseront l’un comme l’autre de baisser les bras.
Malgré le sujet, le roman est très lumineux grâce aux personnalités des personnages principaux. C’est un récit bouleversant, épuré, qui va droit au but et passe sans faillir ces rapides bouillonnants que Dalt et Maddy affectionnent tant, emportant le lecteur au passage.

Aliénor fille de Merlin, partie 4 Le royaume des korrigans

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De Séverine Gauthier
Paru chez l’Ecole des loisirs

Quel désastre ! Le tremblement de terre a fait des victimes parmi les rats de l’Arrée. Malgré leurs efforts, Aliénor et Lancelot n’ont pas réussi à secourir tous les survivants prisonniers des décombres. La fille de Merlin, désemparée, finit par douter de l’utilité de ses pouvoirs druidiques. Elle se trompe, pourtant. Lancelot a besoin de son aide pour récupérer le glaive que les Korrigans lui ont volé. Mais l’aventure est des plus risquées. Si par malheur, les deux amis sont repérés, ils seront jetés dans les geôles de pierre. Et soyez sûrs que Boléguéan, le roi des Korrigans, ne les laissera jamais partir…

Nous reprenons tellement pile là où nous nous sommes arrêtés que ça en est presque déroutant. Le principe du cliffhanger est sympa mais cela finit par faire des aventures tronquées, réparties sur plusieurs tomes. Pour autant, quel lecteur ayant tout juste tourné la dernière page de la partie 3 pourrait ne pas se ruer sur la partie 4 ? Aucun certainement…
Nous retrouvons donc nos héros en bien mauvaise posture. Le tandem Aliénor Lancelot fonctionne de mieux en mieux. Cette belle amitié et cette belle complémentarité font plaisir à voir. On est tout de suite remis au diapason des événements, avec une première partie mêlant action, mais aussi émotion.
La personnalité d’Aliénor continue de s’affiner, pour le meilleur.
Les autres personnages sont également très attachants et c’est un plaisir de retrouver toute cette petite troupe.
Côté action, nous sommes servis dans cette nouvelle aventure. Pas de repos pour les braves !
Tout cela est parfaitement dosé. Le rythme est soutenu, l’humour omniprésent…

Cette saga confirme encore une fois son excellence, avec une nouvelle aventure d’Aliénor pleine de magie et d’espièglerie, qui fait mouche !

Hoka Hey

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De Neyef
Paru chez Rue de Sèvres (Label 619)

Dès 1850, les jeunes amérindiens étaient internés de force dans des pensionnats catholiques pour les assimiler à la nation américaine. En 1900, la population des natifs en Amérique du Nord avait diminué de 93%. La plupart étaient morts de nouvelles maladies importées par les colons, d’exterminations subventionnés par l’état, et lors des déportations. Georges est un jeune Lakota élevé par le pasteur qui administre sa réserve. Acculturé, le jeune garçon oublie peu à peu ses racines et rêve d’un futur inspiré du modèle américain, en pleine expansion. Il va croiser la route de Little Knife, amérindien froid et violent à la recherche du meurtrier de sa mère. Accompagné de ses deux comparses, celui-ci arrache Georges à sa vie et l’embarque dans son périple. Au fil de leur voyage, l’homme et le garçon vont s’ouvrir l’un à l’autre et trouver ce qui leur est essentiel : l’apaisement de la colère par la transmission de sa culture pour l’un et la découverte de son identité et de ses origines pour l’autre.

Ce roman graphique est l’œuvre d’une seule personne qui a su donner le meilleur de lui-même. Que ce soit l’intrigue, l’intérêt historique, le découpage, les illustrations ou les couleurs, tout est soigné aux petits oignons et… parfait.
Neyef nous entraîne dans cette Amérique qui refuse de reconnaître les droits des indiens et ce point de vue différent de la version historique officielle est très bien dosé, sans exagération ni surenchère. Il n’en est que plus percutant ! Le message passe tout en subtilité et délicatesse, avec un concentré d’émotions poignant qui fait mouche. Pour autant, le récit reste rude et parfois violent, mais cela fait aussi partie de cette histoire, amenant le lecteur à un sentiment de révolte et d’incompréhension que la beauté poétique des illustrations et la tendresse qui se dégage de certains passages ne fait finalement que renforcer.
L’édition est soignée, comme la maison d’édition sait si bien le faire, avec une belle tranche toilée, un format généreux et des couleurs lumineuses, nous offrant cette belle histoire dans un écrin à sa mesure.

Harlem shuffle

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De Colson Whitehead
Traduction Charles Recoursé
Paru chez Albin Michel

Petites arnaques, embrouilles et lutte des classes… La fresque irrésistible du Harlem des années 1960. Époux aimant, père de famille attentionné et fils d’un homme de main lié à la pègre locale, Ray Carney, vendeur de meubles et d’électroménager à New York sur la 125e Rue, « n’est pas un voyou, tout juste un peu filou ». Jusqu’à ce que son cousin lui propose de cambrioler le célèbre Hôtel Theresa, surnommé le Waldorf de Harlem…
Chink Montague, habile à manier le coupe-chou, Pepper, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, Miami Joe, gangster tout de violet vêtu, et autres flics véreux ou pornographes pyromanes composent le paysage de ce roman féroce et drôle. Mais son personnage principal est Harlem, haut lieu de la lutte pour les droits civiques, où la mort d’un adolescent noir, abattu par un policier blanc, déclencha en 1964 des émeutes préfigurant celles qui ont eu lieu à la mort de George Floyd.

Harlem Shuffle met en scène des personnages charismatiques auxquels on s’attache immédiatement, au point de pardonner à Carney, ses petits écarts (dus eux-mêmes au fait qu’il pardonne tout à son cousin Freddie).
Ce polar noir propose une intrigue simple, au rythme plutôt lent, permettant à l’auteur de mettre l’accent sur le contexte. Il brosse ainsi un portrait réaliste de cette communauté noire, coincée entre ses rêves et aspirations d’un côté et son appréhension du changement vers un avenir un peu flou, de l’autre. La condition noire américaine est au centre du récit qui fournit un prétexte parfait pour un message plus politique.

Mais Harlem Shuffle est avant tout une visite de Harlem. Le quartier, en pleine évolution, est presque considéré comme un personnage à part entière. Il se révèle complexe, changeant et parfois dangereux, avec ses règles propres. Le récit nous offre une plongée imagée et très immersive dans la vie de ce quartier au bord de l’implosion (voire plus). Outre cette présentation assez visuelle, l’auteur a su éviter les clichés, ce qui donne une belle authenticité au texte. C’est un contexte très intéressant et bien posé, qui met l’accent sur les luttes sociales pour les droits civiques et contre la ségrégation, sur fond de révolte populaire.

Harlem Shuffle est une belle réussite de Colson Whitehead qui propose un scénario intéressant du point de vue de l’intrigue, mais aussi de l’Histoire, avec une écriture à la fois abordable et de qualité.