Monthly Archives: September 2021

Sirius

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De Stéphane Servant
Paru aux Editions du Rouergue

Alors que le monde se meurt, Avril, une jeune fille, tente tant bien que mal d’élever son petit frère, Kid. Réfugiés au coeur d’une forêt, ils se tiennent à l’écart des villes et de la folie des hommes… jusqu’au jour où le mystérieux passé d’Avril les jette brutalement sur la route. Pourchassés, il leur faut maintenant survivre dans cet univers livre au chaos et à la sauvagerie. Mais sur leur chemin, une rencontre va tout bouleverser : Sirius.
Avec ce road trip post-apocalyptique, Stéphane Servant signe un grand roman d’aventure, brut et haletant.

Avec un récit aussi dense, il est très difficile de synthétiser tout ça en quelques phrases, que ce soit sur le vif ou même plus tard. J’avais peur de me lancer dans un énième post-apocalyptique sur la survie en forêt mais Sirius est tellement au-delà et offre beaucoup plus.
Concernant le contenu, l’ensemble de ce qui concerne les étoiles noires est extrêmement passionnant, pour l’intrigue elle-même puisque tout est dévoilé petit à petit et ce, jusqu’au bout (qu’est-ce que j’aime les intrigues qui tiennent leurs promesses jusqu’au bout !) mais aussi pour le côté propagande, enrôlement, prise de contrôle d’un individu sur d’autres… C’est très intéressant de voir comment un individu parvient à en aliéner d’autres par la “simple” parole, d’autant qu’on semble avoir là un maître en la matière.
Par ailleurs les personnages sont vraiment chouettes. L’auteur a su mettre en place des personnages variés et convaincants et une ambiance tout aussi réussie.
Et puis il y a ce cheminement, les animaux, Kid (clin d’oeil de référence particulièrement bien vu) qui tracent une voie et emportent le lecteur par petites bribes dans un grand tout. On ne sait pas vers quoi on va, mais on y va de bon coeur, le souffle un peu coupé. J’ai été totalement embarquée. C’est un gros coup de coeur et une expérience de lecture à la fois intense et exceptionnelle.
C’est par ailleurs un roman intergénérationnel car il a tout autant emporté mon ado qui a déclaré, je cite “c’est un livre que je n’oublierai jamais !”. Le plus beau compliment qui soit !

Un baiser qui palpite là, comme une petite bête

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De Gilles Paris
Paru chez Gallimard

Iris, une lycéenne, se suicide. Cet événement bouleverse ses camarades, Emma et son frère jumeau Tom, Aaron, le nouveau, Chloé et Sarah, les amies d’Emma, Léon, le génie de l’informatique, et d’autres encore qui se rassemblent le temps d’un week-end. En quête d’identité, les adolescents font l’expérience de leurs limites tandis que l’histoire d’Iris se dévoile.

Ce court roman s’ouvre sur une scène de viol. Insupportable.
Une ado perdue qui finit par se pendre.
Les autres, ceux qui l’ont mise au pied du mur, acculée, nous livreront par bribes leur ressenti, leur honte d’avoir participé au harcèlement d’Iris, chacun à leur niveau, leurs regrets pour certains. Nombreux sont ceux qui y pensent mais personne n’en parle, surtout pas. Personne n’en tire de leçon non plus puisque certains sont prêts à récidiver et salir quelqu’un qui les gêne comme ça pour un caprice, un affront réel ou imaginaire, une conviction personnelle, quelles qu’en soient les conséquences. Tout le monde sait qu’il suffit d’un rien pour mettre le feu aux poudres. Que le collectif est implacable. Une vraie machine de guerre.
L’histoire d’Iris (qu’ils ne connaissent finalement pas) résonne par ailleurs avec leur propre situation car pour un ado, ce qui compte avant tout, c’est ce qui se passe pour lui-même. L’adolescence est l’âge de l’égoïsme ultime, celui de toutes les folies. Les limites de l’extrême sont sans cesse repoussées, peu importent les conséquences. A cet âge-là on vit au présent, point. A cet âge-là, tout peut tourner au drame et les drames sont plus intenses.
Gilles Paris, avec sa plume sensible, nous dresse un portrait de cette adolescence compliquée, perturbée, bourrée d’incertitudes, capable du pire comme du meilleur. Comme toujours, le texte est délicat, finement ciselé, sans un mot de trop. Comme souvent, c’est plutôt sombre. Je ne suis pas certaine que les mots “jeunes” glissés ici et là apportent vraiment quelque chose, à part accentuer l’impression de fracture avec “le reste du monde”. Les adultes parfois démissionnaires, parfois paumés, parfois débordés sont absents de cet univers. Ils interviennent au début et à la fin. Entre les deux, ils n’ont pas vraiment leur place.

Série Joker

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Susie Morgenstern
Paru chez l’Ecole des loisirs

Joker

Un joker pour rester au lit.
Un joker pour être en retard à l’école.
Un joker pour ne pas faire ses devoirs.
Etc.
Non, ce n’est pas une liste de réclamations écrite par un élève naïf et paresseux. C’est comme ça que ça se passe dans la classe d’Hubert Noël.
Et ne croyez pas non plus qu’Hubert soit un instituteur paresseux. Au contraire, il a décidé d’apprendre énormément de choses à ses élèves. Des choses qui ne sont pas toujours au programme, mais qui sont indispensables pour aimer la vie.

Un petit roman très court qui aborde la relation maître-élève et l’enseignement différemment.
Et si tous les apprentissages étaient des cadeaux offerts aux élèves ? Et si la relation était basée sur une bonne entente mutuelle et non sur un rapport de force ? Et si la bienveillance était une forme de magie ? C’est la “méthode” d’Hubert !
Et ça fonctionne… Il faut dire que dans la classe d’Hubert, il n’y a pas de vilaine forte tête et tout le monde se laisse séduire. Pour pimenter un peu tout ça, on a une directrice obtuse, malfaisante et irrécupérable…
Seul bémol, le sport est le grand absent et tout comme Laurent (je crois), c’est regrettable.

Le ton est léger, le propos bon enfant, ça se lit tout seul en souriant quel que soit le côté de la barrière où l’on se trouve.

Maître Joker

Hubert Noël n’aimait pas être à la retraite. Il mangeait et s’ennuyait beaucoup trop. Bien sûr, ses anciens élèves étaient contents de le croiser : comment oublier le professeur qui avait inventé le joker pour ne pas aller à l’école ou celui pour danser en classe ? Alors quand on lui propose de devenir directeur, Hubert reçoit la nouvelle comme un cadeau tombé du ciel. Il va enfin pouvoir créer l’école de ses rêves, même si cela ne semble pas plaire à tout le monde…

Veine, l’académie demande à Hubert Noël (mis à la retraite contre son gré) de reprendre du service. Cette fois, on ne sera plus dans une classe mais dans la gestion de l’école. Hubert tentera d’appliquer ses idées en grand, en imaginera des nouvelles et ne ménagera pas ses efforts. Il devra faire face à une représentante syndicale remontée comme un coucou suisse et des enseignantes parfois dubitatives. Son atout ? Ne pas s’imposer, savoir déléguer, dialoguer.

Le ton reste léger pour cet opus un peu plus long. Les personnages sont malheureusement trop caricaturaux, même si cela peut sembler “nécessaire” pour amener le propos. La lecture reste toutefois intéressante et plaisante. On passe un bon moment en tordant le cou à un certain nombre d’idées reçues !

Les deux romans se lisent très bien à la suite, pour une histoire plus longue et complète.

La brigade de l’ombre tome 1 La prochaine fois ce sera toi

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De Vincent Villeminot
Paru chez Casterman

Fleur vérifia sur son téléphone : son père ne lui avait laissé aucun message. C’était curieux, ces trois appels successifs. Pourtant, elle décida de faire la morte. La morte… Une étrange façon de parler, à bien y réfléchir. Et glaçante, quand on l’associait aux coups de fil du commissaire Markowicz. Son père. Pour qui le pire était toujours sûr.

Un bon roman policier avec une brigade de l’ombre au top, un méchant moche et fielleux et, bien sûr, une intrigue policière haletante.
Le gros point fort du récit réside sans conteste dans les personnalités des personnages. Sans tomber dans les clichés, les membres de la brigade de l’ombre ont en effet des personnalités fortes et une façon d’enquêter très personnelle. C’est très plaisant de les voir évoluer dans l’enquête et se dévoiler petit à petit.
Les goules apportent par ailleurs une note fantastique intéressante, évitant une intrigue trop classique et monotone.
Un premier tome tout à fait convaincant, qui donne envie de lire la suite.