Monthly Archives: February 2023

Séraphine

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De Marie Desplechin
Adaptation graphique d’Edith
Paru chez Rue de Sèvres

Que faire de sa vie quand on a treize ans et qu’on est une fille pauvre, pas laide, sachant lire, sans autre protection que celle d’un vieux curé, d’une tante prostituée et d’une veuve ronchon ? Nonne ? Jamais. Séraphine est trop insolente. Couturière ? Non plus. Elle a trop envie de parler et de voir du monde. Peut-être qu’un jour les femmes pourront devenir juges, gendarmes ou avocats et faire de la politique… Peut-être même qu’un jour Dieu Lui-même sera une femme. Mais, pour l’instant, nous sommes en 1885, à Paris, ou plutôt à Montmartre. Le souvenir de la Commune est encore vif chez les uns. Les autres s’occupent de l’enterrer définitivement en bâtissant, là-haut sur la butte, le Sacré-Cœur. Et Séraphine ne voit qu’une solution pour mener la vie libre et sans misère dont elle rêve : s’en remettre à sainte Rita, la patronne des causes désespérées…

Il s’agit ici de l’adaptation graphique du roman de Marie Desplechin (trilogie Les filles du siècle).
Séraphine est orpheline et habite la butte Montmartre, qui reste meurtrie par la Commune. Fifi est un personnage super attachant. Elle est volontaire, courageuse, franche, décidée, généreuse, mais aussi vive d’esprit et de caractère. On ne peut que l’aimer et sourire à ses aventures. D’ailleurs tout le monde l’apprécie et il faut avouer que Séraphine a de la chance, d’abord grâce au curé qui ne l’abandonne pas à l’orphelinat, puis avec l’apparition de sa tante et enfin celle de toute une ribambelle de personnages qui auront leur rôle à jouer.

Le scénario raconte le quotidien du peuple sur la butte Montmartre où la misère fait rage et le raconte bien, sans en faire ni trop ni pas assez. De même, les passages abordant la Commune sont très intéressants et bien faits. Les illustrations, assez sombres sont dans le prolongement de l’histoire, que son héroïne pétillante se charge d’illuminer. D’un point de vue totalement partial et personnel, en dehors de Fifi dont le personnage espiègle est bien rendu, avec un visage très expressif, j’ai eu un peu de mal avec les illustrations des personnages… Malgré tout, je reconnais que les illustrations collent très bien à ce récit social, avec une ambiance bien choisie, ce qui en fait une adaptation réussie.

Chien 51

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De Laurent Gaudé
Paru chez Actes Sud


Autrefois, Zem Sparak fut, dans sa Grèce natale, un étudiant engagé, un militant de la liberté. Mais le pays, en faillite, a fini par être vendu au plus offrant, malgré l’insurrection. Et dans le sang de la répression massive qui s’est abattue sur le peuple révolté, Zem Sparak, fidèle à la promesse de toujours faire passer la vie avant la politique, a trahi. Au prix de sa honte et d’un adieu à sa nation, il s’est engagé comme supplétif à la sécurité dans la mégalopole du futur. Désormais il y est “chien” – c’est-à- dire flic – et il opère dans la zone 3, la plus misérable, la plus polluée de cette Cité régie par GoldTex, fleuron d’un post- libéralisme hyperconnecté et coercitif. Mais au détour d’une enquête le passé va venir à sa rencontre.

Un roman de Gaudé est toujours la promesse d’un bon moment de lecture. Ici l’auteur se frotte à la science-fiction et la dystopie, une fois n’est pas coutume.
L’univers est bien construit et combine un monde futuriste avec les éternelles guerres de classes et jeux de pouvoir. L’écologie y est également présente. De bons ingrédients, qui, associés à un rythme trépidant et une enquête policière, entraînent le lecteur dans une lutte entre droiture et corruption. Le passé s’invite également pour faire trembler à son tour l’équilibre entre le bien et le mal et rendre la frontière entre les deux totalement incertaine. Les personnages (notamment Sparak) sont bien construits et leur vécu apporte profondeur et intensité au récit.
Pour couronner le tout, le roman est admirablement bien écrit et une fois encore, Laurent Gaudé a su m’emporter vers de beaux horizons littéraires.

Avez-vous lu les classiques de la littérature ? Tome 5

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Soledad Bravi et Pascale Frey
Paru chez Rue de Sèvres

Voici réunis dans ce joli petit volume une vingtaine de nouveaux textes prodigieux, chefs d’œuvres incontournables de la littérature. Comment est-ce possible ? Par quelle magie cet contient-il tant de merveilles ? Grâce à nos deux bonnes fées Soledad Bravi et Pascale Frey qui une fois encore convoquent leurs pouvoirs pour revisiter les classiques d’une manière décalée et enchantée ! Laissez-vous charmer par cette alchimie et plongez dans ces récits envoûtants.

N’ayant pas lu les précédents, je ne peux pas les comparer mais je peux tout de même donner mon avis sur ce tome 5 ! Il s’agit d’un livre drôle, léger, pédagogique et concis. Comme quoi il est possible de concilier tout cela, en voici la preuve en papier et en encre !
Le principe est à la fois simple et novateur (à ma connaissance) : décortiquer les classiques littéraires. Les autrices se sont donc attelées ici à une bonne vingtaine de classiques, dont certains sont plus connus que d’autres et dans des styles divers et variés, comme cela il y en a pour tous les goûts. Chaque roman abordé commence donc par une page expliquant le contexte et présentant le livre, avec une courte biographie de l’auteur. Quelques pages de strips font ensuite un résumé du livre en question, avec chaque fois, une phrase concise, une illustration et une bulle de texte à vocation humoristique.

Évidemment, ce n’est pas un livre à lire d’un coup, mais par petites touches pour se remémorer un ouvrage, en redécouvrir ou découvrir d’autres et enfin dédramatiser certains. Les classiques, beaucoup s’en font une montagne !!! Cet ouvrage de vulgarisation (au sens positif du terme) les met à la portée de tout un chacun, dans la joie et la bonne humeur. Déjà rien que pour ça, un grand bravo. Un bon coup de plumeau pour dépoussiérer des vieux classiques qui deviennent soudain totalement accessibles.
Ne nous leurrons pas, cet ouvrage ne remplace pas la lecture des livres abordés eux-mêmes, mais le cheminement est intéressant et constitue certainement une motivation à se pencher sur ces classiques qui semblent désormais plus abordables.

Des souris et des hommes

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De Steinbeck
Version illustrée par Rebecca Dautremer
Paru chez Tishina

États-Unis, 1937 : John Steinbeck publie un court roman qui deviendra un chef-d’oeuvre de la littérature, mondiale. Des Souris et des Hommes, c’est l’histoire de George et Lennie, deux saisonniers qui voyagent à travers la Californie, rêvant d’une vie meilleure. Une histoire magnifique, qui nous raconte l’amitié, l’espoir mais aussi la cruauté des hommes, et qui a profondément ému des millions de lecteurs.
France, 2020 : Rébecca Dautremer adapte ce grand classique dans un incroyable roman graphique. Pour cette deuxième collaboration avec les éditions Tishina, après Soie il y a quelques années, elle renouvelle brillamment son univers et sa palette, et pousse plus loin que jamais son talent. Un dialogue intense entre le texte intégral de Steinbeck et l’univers artistique de la plus célèbre des illustratrices françaises.

Un classique auquel je n’avais jamais osé me frotter avant. Le texte est pourtant abordable, concis et plutôt immersif. On vit sans filtres ce drame dont on comprend dès le début qu’il n’aura pas d’Happy end et qui gagne en intensité au fur et à mesure des chapitres…

J’ai particulièrement apprécié de lire la version illustrée, d’abord parce que les illustrations sont belles (et dans les couleurs que j’aime, ce qui ne gâche rien) et surtout parce qu’elle proposent un prolongement intéressant au texte. Elles ont été conçues intelligemment et c’est un vrai plus pour accompagner cette lecture. Grâce aux illustrations, le lecteur peut aller encore plus loin et vivre le récit pleinement. Les différentes mises en page évitent la monotonie avec des illustrations réalistes (paysages ou décors), des illustrations incitant à réfléchir avec des compositions audacieuses, des petites vignettes (j’ai particulièrement aimé les planches avec les deux personnages) et des fausses anciennes publicités. Un travail de titan !