Monthly Archives: March 2023

L’île haute

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De Valentine Goby
Paru chez Actes sud

Un jour d’hiver, le jeune Vadim, petit Parisien de douze ans, gamin des Batignolles, inquiet et asthmatique, est conduit par le train vers un air plus pur. Il ignore tout des gens qui vont l’héberger, quelque part dans un repli des hautes montagnes. Il est transi de fatigue quand, au sortir du wagon, puis d’un tunnel – l’avalanche a bloqué la voie –, il foule la neige épaisse et pesante, met ses pas dans ceux d’un inconnu. Avance vers un endroit dont il ne sait rien. Ouvre bientôt les yeux sur un décor qui le sidère, archipel de sommets entre brume et nuages, hameau blotti sur un replat. Immensité enivrante qui le rend minuscule. Là, tout va commencer, il faudra apprendre : surmonter la séparation, passer de la stupeur à l’apprivoisement, de l’éblouissement à la connaissance. Confier sa vie à d’autres, à ceux qui l’accueillent et qui savent ce qui doit advenir.

Lorsque Valentine Goby s’empare d’un sujet, elle le fait avec tellement de classe ! Voilà un court roman étonnant, qui nous permettra de découvrir Vallorcine et donc l’univers de la montagne dans toute sa rudesse et sa beauté, par les yeux de Vadim/Vincent. Tandis que la guerre est omniprésente en France, Vallorcine offre une parenthèse au petit garçon qui s’y réfugie en hiver 1943. Tout d’abord une parenthèse physique pour cet asthmatique, qui va pouvoir recommencer à respirer, mais aussi apprendre à repousser les limites de son corps au quotidien. Mais aussi une parenthèse sensorielle, avec une explosion de couleurs, de sensations, d’odeurs, d’émotions. Lieu d’accueil, mais surtout lieu d’apprentissage, la montagne enracine l’enfant dans la terre…
Le rythme est très lent, contemplatif. Le récit se déroule au fil des saisons dont le garçon s’émerveille et qu’il s’approprie finalement, dans un univers totalement nouveau pour lui où il est accueilli avec énormément de bienveillance. Le texte très poétique et plein de sensibilité est un véritable hymne à la montagne qui protège l’enfant, le fait grandir et lui permet de se réinventer pour vivre, tout simplement.
Un très beau roman, qui ne séduira pas les amateurs d’action, mais saura conquérir les autres. Ceux-là se laisseront entraîner par la magie de ce récit initiatique esquissé avec une palette de peintre, qui fait vibrer nos sens.

Balto tome 3, L’homme à la torpédo rouge sang

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De Jean-Michel Payet
Paru chez l’Ecole des loisirs

Paris, 1922. Le soir de son anniversaire, Madame Gambette, la mère adoptive de Balto, ne rentre pas à la roulotte. Malaise ? Rendez-vous secret ? Enlèvement ? Notre gars de la Zone alerte Émilienne, sa complice journaliste, alors que dans la ville, les disparitions se multiplient : une pharmacienne, un confiseur, un invalide de guerre, un juge à la retraite… Madame Gambette figure-t-elle sur cette macabre liste ? Quel est le but de cet assassin qui sévit dans les rues de Paname, et disparaît à bord de sa Torpédo rouge sang ? Les enquêteurs sont sur les dents, la presse s’enflamme et, du théâtre du Grand Guignol au vélodrome d’hiver, Balto désespère de retrouver sa daronne… avant qu’il ne soit trop tard.

Quelle joie de retrouver Balto, ce héros tellement sympathique. Sa gouaille fait plaisir à lire mais il faut bien quelques pages, voire chapitres, pour se remettre dans l’ambiance de cet argot si singulier. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’argot est un vrai plus à l’expérience de lecture, pour une meilleure immersion dans l’histoire et colle parfaitement à l’ambiance et à la période historique, un Paris des années 20 plus vrai que nature dans ce récit encore une fois bien documenté. Cette recette qui a fait l’originalité des deux tomes précédents fonctionne toujours aussi bien dans celui-ci.
L’intrigue, bien construite, va de rebondissements en rebondissements, montant savamment en puissance. Le malfrat mène Balto, Émilienne et la maison Poulaga par le bout du nez et… nous avec ! Un bon scénario policier historique qui ménage ses effets, alternant suspense, humour et émotion et saura sans aucun doute gagner le cœur de ses lecteurs.

Sous ta peau, le feu

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De Séverine Vidal
Paru chez Nathan

Bordeaux, 1764.
Ange Rouvray accompagne son père médecin dans ses visites auprès des malades. L’épidémie de variole fait rage et pour se protéger, il faut porter un masque, se désinfecter les mains, garder ses distances…
La jeune Esmée de Montagu a vu mourir en quelques semaines son père, son frère, ses sœurs. Elle reste seule avec sa mère, tellement pleine de chagrin qu’elle n’a plus de larmes. La comtesse Isabeau de Montagu, est obsédée par l’idée de garder sa dernière fille en vie. Elle veut tester sur elle une technique controversée et dangereuse et fait appel au docteur Rouvray, qu’elle espère ouvert à cette pratique nouvelle.
Lors de cette visite, Esmée et Ange se rencontrent. Et tombent amoureux.
Mais comment une histoire est-elle possible entre ces deux êtres que tout sépare?

Ce récit historique aborde une grande épidémie de variole suspendue au-dessus de la tête des français comme une épée de Damoclès, tandis que l’idée de l’inoculation fait timidement son chemin. La vaccination est accueillie avec scepticisme par une population résignée et attentiste, qui préfère s’en remettre à Dieu. Les médecins sont réticents également… Pendant ce temps, l’épidémie fait des ravages, touchant indistinctement toutes les classes sociales.
Séverine Vidal décrit les symptômes, les soins, les mesures d’hygiène et le lecteur ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec la pandémie qui est notre quotidien depuis quelques années. Comme quoi l’homme est parfois impuissant, tout simplement…
Pour autant, ce roman n’a rien d’un traité de médecine. Bien au contraire. Il s’agit plutôt d’un récit romanesque et féministe. Le propos féministe est amené avec intelligence et subtilité. Le message passe très bien. La romance est quant à elle magnifique. Cet amour naissant est entier, sincère, plein d’émotions et vraiment très beau.

Une lecture qui se vit, un roman à dévorer, un maelström d’émotions…