Monthly Archives: December 2023

Falalalala

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D’Emilie Chazerand
Paru chez Sarbacane

Chez les Tannenbaum, on est petit. Trois générations d’achondroplases, soit sept naines gèrent Tannenland, le paradis des êtres miniatures. Deuxième curiosité alsacienne après la cathédrale de Strasbourg, cette famille n’a rien d’ordinaire. Sauf peut-être Richard, 19 ans, le seul garçon de la tribu. Le seul grand, aussi…

Plutôt que de le lire une romance nunuche (chacun ses goûts, cela dit), ce roman est une excellente opportunité pour se mettre dans l’ambiance de Noël. Une lecture de saison, pleine de gâteaux (alsaciens), d’histoires de famille, de rires, de larmes, d’amour et de magie de Noël (aussi).
Une lecture qui fait beaucoup rire tout en sachant émouvoir lorsque c’est nécessaire avec un texte qui ne recule devant rien et balance ses punchlines avec brio, offrant une histoire déjantée et loufoque totalement burlesque, tout en faisant preuve de tendresse envers ses personnages.

Il fallait la trouver, cette idée de Grand benêt et les 7 naines et réunir les arguments et ingrédients nécessaires pour la mener à bien… Un exercice périlleux dont l’autrice s’est acquittée avec succès ! Il en résulte un roman savoureux, qui pourrait se déguster, mais que l’on a tellement envie de croquer d’un coup (une fois passé le démarrage un peu lent).
Un excellent moment passé en compagnie des Tannenbaum !

Histoires de moines et de robots, tome 1 Un psaume pour les recyclés sauvages

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De Becky Chambers
Paru chez L’Atalante

Voilà des siècles, les robots de Panga ont accédé à la conscience et lâché leurs outils. Voilà des siècles, ils sont partis ensemble dans la forêt, et nul ne les a jamais revus. Voilà des siècles qu’ils se sont fondus dans les mythes de l’humanité.
Un jour, la vie de Dex, moine de thé, est bouleversée par la rencontre d’un robot qui, fidèle à une très vieille promesse, vient prendre des nouvelles. Il a une question à poser, et ne rejoindra les siens qu’une fois satisfait de la réponse. La question : « De quoi les gens ont-ils besoin ? ». Mais la réponse dépend de la personne à qui on parle et de comment on pose la question.

Becky Chambers nous propose ici une science-fiction positive, sous forme de « road-movie spirituel initiatique » autour de la rencontre d’un moine et d’un robot. Le roman est très court et tient plutôt de la nouvelle, d’autant plus que sa construction s’apparente un peu à une succession de petites histoires dans l’histoire. L’ambiance est zen, le propos doux et onirique et la portée tend à devenir philosophique par moments (avec une réflexion sur l’humain, la nature, l’identité et plus largement la vie), au cœur d’une nature omniprésente. La partie philo reste toutefois assez légère et un peu trop en surface, c’est dommage. L’univers de SF est quant à lui très riche et aurait pu, à mon sens, être lui aussi mieux exploité pour profiter au maximum de toutes ses possibilités et complexifier l’intrigue qui est bien trop simple.

Il s’agit d’un roman qui se lit très vite (un peu trop) et qui délivre un message/une aventure tout en douceur. C’est zen mais peut-être un peu trop tranquille et léger tout de même et qui, du coup, n’a pas laissé pas une forte impression à la lectrice que je suis.

Perpendiculaire au soleil

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De Valentine Cuny-Le Callet et Renaldo McGirth
Paru chez Delcourt

À 19 ans, Valentine Cuny-Le Callet entame une correspondance avec Renaldo McGirth, un condamné à mort américain. Au fil de leurs échanges, nait un projet de récit graphique d’une intense émotion.
Au travail au crayon et en gravure sur bois, se mêlent des images singulières, colorées, qui parlent de la beauté du monde, qui ont vu le jour dans des conditions extrêmes. Témoignage bouleversant sur une amitié naissante, ce récit se penche sur la brutalité du système carcéral, et la ténacité avec laquelle les condamnés reconstruisent leur vie, depuis une cellule de cinq mètres carrés.

Un roman graphique réalisé à quatre mains par Valentine Cuny, étudiante en arts et Renaldo McGirth, détenu dans les couloirs de la mort. Un travail de fourmi. Un travail de titan… Pour un témoignage fort, inédit et très touchant.
La conception graphique est époustouflante. Le noir et blanc domine (seuls quelques éléments sont en couleur). Les illustrations sont riches, pleines de détails et vont bien au-delà des mots.
Malgré le sujet plus que sensible, le roman graphique dégage une grande tendresse et parvient à éviter l’écueil du témoignage brut et accusateur ainsi que celui du voyeurisme. Ici tout est fait de façon bien plus subtile, plus humaine.

Un livre qui invite à réfléchir par soi-même et à se poser des questions. Il est toujours intéressant d’ouvrir son esprit, de se remettre en question, d’avoir de nouveaux angles d’approche.

Le temps des sorcières

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D’Alix E. Harrow
Paru chez Hachette (Le Rayon imaginaire)

Avant, quand l’air était si imprégné de magie qu’il laissait un goût de cendres sur la langue, les sorcières étaient féroces et intrépides, la magie flamboyait et la nuit leur appartenait. Ce temps n’est plus, les hommes ont dressé des bûchers, et les femmes ont appris à se taire, à dissimuler ce qui leur restait de magie dans des comptines, des formules à deux sous et des contes de bonne femme.
Mais la vraie sorcellerie n’a besoin que de trois choses pour renaître : la volonté de l’écouter, les vers pour lui parler, et les voies pour la laisser pénétrer le monde. Car tout ce qui est important va par trois.
Ainsi des sœurs Eastwood : Bella, Agnès et Genièvre. Mues par la colère, la peur… et une pulsation écarlate qui ne demande qu’à revivre, des dons qu’elles découvrent peu à peu. Il suffit pour cela de s’unir, et d’y croire, de traquer tous les interstices où elle se dissimule. Car la magie, c’est d’abord penser que chacun est libre d’agir, même si le mal rôde. Le temps des Sorcières pourrait alors bien revenir, pour notre plus grand bénéfice à tous, hommes et femmes.

Un texte à l’ambiance particulière, assez mélancolique mais passionnante et totalement immersive, qui prend le temps d’installer le décor et les personnages.

S’appuyant sur des événements historiques (la naissance des suffragettes à New Salem, aux Etats-Unis), l’autrice s’en détache pour broder habilement sur le thème de la condition des femmes et introduit le fantastique et l’ésotérisme avec délicatesse. Entre traditions et folklore, la magie, bien présente, s’appuie sur les contes anciens, à moins que ce ne soit l’inverse…

Ici, on a affaire à une sorcellerie intime, profondément ancrée, une sorcellerie du quotidien latente en chacune de nous, qui se transmet de mères en filles et que l’on retrouve dans des chansons, des comptines ou encore des contes anciens. Il est également question de solidarité, d’entraide afin d’atteindre une certaine unité à même de permettre aux femmes de s’exprimer et tout simplement d’exister dans une société puritaine à l’extrême.

Le récit est assez dense dans l’ensemble et, malgré quelques longueurs, captivant, avec un déchaînement de rebondissements et une tension intense sur le dernier tiers, qui laissera le lecteur pantelant.