Monthly Archives: August 2021

D’or et d’oreillers

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De Flore Vesco
Paru chez l’Ecole des loisirs

C’est un lit vertigineux, sur lequel on a empilé une dizaine de matelas. Il trône au centre de la chambre qui accueille les prétendantes de lord Handerson. Le riche héritier a conçu un test pour choisir au mieux sa future épouse. Chaque candidate est invitée à passer une nuit à Blenkinsop Castle, seule, sans parent, ni chaperon, dans ce lit d’une hauteur invraisemblable. Pour l’heure, les prétendantes, toutes filles de bonne famille, ont été renvoyées chez elles au petit matin, sans aucune explication.
Mais voici que lord Handerson propose à Sadima de passer l’épreuve. Robuste et vaillante, simple femme de chambre, Sadima n’a pourtant rien d’une princesse au petit pois ! Et c’est tant mieux, car nous ne sommes pas dans un conte de fées mais dans une histoire d’amour et de sorcellerie où l’on apprend ce que les jeunes filles font en secret, la nuit, dans leur lit…

Officiellement une version remaniée de la princesse au Petit Pois, ce roman s’en éloigne résolument, et ne se prive pas de multiplier les clins d’œil à différents contes ou romans classiques. L’ambiance est plutôt sombre et très mystérieuse et l’intrigue se dévoile petit à petit, par le regard et les déductions de Sadima. L’intrigue monte en puissance crescendo, avec des rebondissements intéressants et une ambiance travaillée… On passe donc des salons feutrés où évoluent des jeunes filles de bonne famille à marier à un château très étrange, loin des convenances, puis on bascule sur une histoire de sorcière et on termine avec un final explosif.
Sadima incarne le personnage parfait pour dénouer les fils de cette histoire. Elle est solide, pragmatique, déterminée, tenace, courageuse, rusée, intelligente… autant de qualités indispensables (et appréciables pour le lecteur qui la suit avec plaisir car elle est clairement le personnage central de cette histoire et mène la danse).
Par ailleurs, il s’agit d’un roman engagé, d’un point de vue social, mais aussi sur la condition féminine, avec des thèmes forts (comme les limites à apporter aux relations familiales, par exemple). Tout est amené en finesse, par une autrice qui joue avec les mots, les sonorités, les expressions, les situations, offrant un texte en métaphores, jeux de mots et traits d’humour.
Une petite interrogation, toutefois sur la publication de ce texte en jeunesse (collection Medium). Bien sûr, il y a différents niveaux de lecture mais la partie romance est complexe car dépeinte à grand renfort de métaphores et, sans faire preuve de pudibonderie excessive, devient un peu limite par moments notamment en évoquant le voyeurisme, bien sûr, les plus jeunes profiteront de la forme “conte” mais ce texte ne sera t-il pas mieux compris et apprécié par une cible plus âgée ?

Broadway Limited tome 1 Un dîner avec Cary Grant

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De Malika Ferdjoukh
Paru chez l’Ecole des loisirs

Automne 1948
Il débarque un soir de grand vent à la pension Giboulée. Par erreur. Un stupéfiant malentendu linguistique. Il est à New York et on l’a pris pour une demoiselle à cause de son prénom.
Or la pension Giboulée est exclusivement réservée aux jeunes filles. La gent masculine y est rigoureusement interdite. Par chance, il est français. Et il joue très bien du piano…

Un premier tome qui démarre sur les chapeaux de roues avec un quiproquos invraisemblable et hilarant : Jocelyn recommandé par son cousin (et non Jocelyne recommandée par sa cousine comme l’avait supposé la patronne) débarque dans une pension pour jeunes filles. Bien qu’empêtré dans sa maladresse et sa timidité, il parvient à convaincre le “dragon” de le laisser rester. L’ambiance à la pension est explosive dans le bon sens du terme, un peu comme une pluie de confettis. Les filles entrent, sortent, pirouettent… Elles rêvent de gloire et passent des tas d’auditions. Jocelyn plonge avec délice dans cette ambiance fofolle d’après guerre, à New York où les gens sont si libérés et extravagants par rapport au petit français tout juste sorti des années de guerre.
Malika Ferdjoukh dresse des portraits à forte personnalité. On s’attache immédiatement aux personnages (ce tome nous dévoile plus particulièrement l’histoire de Hadley). Par ailleurs, l’humour et les facéties omniprésentes collent parfaitement avec l’ambiance Broadway. On a l’impression d’y être ! C’est enjoué, totalement addictif, rafraîchissant et ça pétille un max. Alors le lecteur se prend au jeu. Il rit, puis est ému, puis rit à nouveau, et ainsi de suite, avant de terminer presque un peu essoufflé, des étoiles plein les yeux…