Monthly Archives: December 2020

La maison qui parcourait le monde

Standard

De Sophie Anderson
Traduction Marie-Anne de Béru
Paru chez l’Ecole des loisirs

Tout ce que veut Marinka, 12 ans, c’est un ami. Un véritable ami. Pas comme sa maison aux pattes de poulet. Bien sûr, la maison peut jouer à chat ou à cache-cache, mais Marinka voudrait un compagnon humain. Quelqu’un à qui elle pourrait parler, et avec qui elle pourrait partager des secrets. Mais c’est difficile quand votre grand-mère est une Yaga, une gardienne qui guide les morts dans l’au-delà. C’est encore plus difficile quand vous vivez dans une maison qui parcourt le monde, vous emportant avec elle. Pire encore : Marinka est formée pour devenir Yaga. Cela signifie pas d’école, pas de fêtes ni de camarades de jeu. Alors, quand Marinka tombe sur l’occasion de se faire un véritable ami, elle n’hésite pas à enfreindre toutes les règles… même si cela implique un dangereux voyage dans l’au-delà.

Ce roman revisite l’histoire de la Baba Yaga.
L’ambiance est sombre : la grand-mère est une gardienne qui guide les morts vers leur ultime destination (en résumé, c’est une sorcière dont elle semble posséder les attributs physiques, tout en ayant toutefois un cœur d’or), la maison abrite une porte vers l’au-delà, impose sa volonté à ses occupantes et marque son territoire avec une barrière en os humains, entre autres et pourtant, le récit est très vivant et lumineux.
Marinka, d’ailleurs, n’a d’intérêt que pour le monde des vivants, ce qui l’amènera à transgresser pas mal de règles. Livrée à elle-même en plein crise existentielle d’adolescence, elle fera beaucoup d’erreurs, ce qui la rendra antipathique par moments et touchante à d’autres.
Entre récit initiatique et roman d’aventure, ce roman propose une belle variation sur le thème de la Baba Yaga. L’univers est riche et intéressant, ainsi que l’évolution de Marinka et de la maison (la maison est un personnage à part entière. Et quel personnage fantastique !). Le récit émaillé d’éléments du folklore russe très sympas propose une approche originale… Les thèmes du choix de vie, des apprentissages, de la liberté, de la pression sociale et du deuil y sont abordés avec sensibilité et curieusement, il ressort quelque chose d’assez doux de ce roman qui, pourtant, n’était pas prédisposé à la douceur de par son thème de départ.

Un putain de salopard, tome 2 : O Maneta

Standard

De Loisel et Pont
Paru chez Rue de Sèvres

Pour échapper aux hommes de main du camp minier, Max et Baia se perdent dans la jungle. Qu’importe, Baia guide, nourrit et soigne Max. En s’enfonçant toujours davantage dans cette forêt tropicale, Baia arrive jusqu’à l’épave d’un avion écrasé il y a quelques années. À son bord, le squelette d’une enfant dont les poignets sont encore ligotés. Serait-ce l’épave de cette vieille histoire de kidnapping de la fille du patron de la mine et d’un beau magot détourné ? De leur côté, Christelle et Charlotte prennent la fuite en direction de chez Corinne. Elles quittent le dispensaire où elles abandonnent un cadavre. Recherchées, les deux infirmières pourront compter sur l’aide de Rego, un vieux flic de la région au passé douteux. Croisant malfrats, chasseurs de trésors, et vieux secrets enfouis, chaque pas dans la jungle amazonienne semble réduire les chances de survie de nos héros.

Après avoir relu le tome 1 pour me remettre dans le bain, je me suis calée confortablement pour déguster ce tome 2. Enfin déguster, façon de parler car c’est un tel page turner qu’on le dévore plutôt !
Les ramifications de l’intrigue s’étendent. C’est compliqué, ça se croise, s’entrecroise… C’est réjouissant, bourré d’action, de mystère et follement palpitant. Le combo action/mystère auquel s’ajoute un poil de fantastique est vraiment réussi. Le lecteur est emporté par cette aventure incroyable, avec des personnages qui s’étoffent et un scénario qui s’installe sans se bousculer tout en faisant monter l’adrénaline. Le grand format rend justice aux illustrations. Les scènes de jungle sont toujours aussi belles.

Efface toute trace

Standard

De François Vallejo
Paru chez Viviane Hamy

« Vous m’avez sollicité comme expert renommé dans mon domaine, exigeant de moi la plus extrême discrétion. Des incidents récents, distants dans l’espace, vous inquiètent et justifient que vous ayez recours à mes services. Vous attendez de moi que je contribue à préserver votre sécurité. Les conclusions suivront. »
Face aux violents décès de trois amateurs d’art fortunés à Hong Kong, New York et Paris, un groupe de collectionneurs surnommé le « consortium de l’angoisse », charge un expert d’élucider ces incidents étranges. Sa mission ? Rassembler l’ensemble des faits connus et mener sa propre enquête. Le temps presse car de nouveaux accidents surviennent.

Je ne sais pas trop qu’en penser. D’un côté, on a une immersion très poussée dans le monde de l’art contemporain et plus précisément celui des collectionneurs. Ici artiste et collectionneurs s’opposent, sous l’œil vigilant des experts et galéristes. Un monde impitoyable où tous les coups sont permis, où l’absurde côtoie le génie, où l’argent et la spéculation sont rois. Il sera question dans ce roman d’un concept poussé à l’extrême et présenté, sous forme de rapports, par un expert international. Art ou pas ? Concept nouveau ou pas ? La frontière artistique est floue dans le domaine de l’art contemporain et les limites doivent constamment être dépassées et contournées. Le néophyte lambda ne peut s’empêcher d’y voir du foutage de gueule… Ce roman décrypte de façon passionnante les mécanismes d’émergence des artistes. A cela s’ajoute une enquête (qui n’en est pas vraiment une au sens policier du terme) suite au décès tragique de plusieurs collectionneurs. L’enquête ajoute du piquant, du mystérieux, du suspense. Malheureusement, la forme du roman n’est pas enthousiasmante. Même s’ils contribuent à renforcer le désarroi de l’expert et le fait qu’il perde pied, les rapports sont bien trop factuels pour raconter cette histoire faite d’excès. Par ailleurs certaines situations sont tirées par les cheveux, notamment au niveau du dénouement et des justifications/explications. Ce dénouement n’est pour moi pas à la hauteur. J’aurais préféré une fin explosive (et plus simple).

Pour autant, ce qui m’a gênée (notamment la forme) peut très bien convenir à d’autres lecteurs. Le mieux est de se faire une opinion par soi-même. Les réflexions sur l’art contemporain urbain ainsi que l’intrigue de ce roman sont suffisamment intéressantes pour justifier une lecture.

Les vous

Standard

De Davide Morosinotto
Paru chez l’Ecole des loisirs

Dans un village tranquille des Alpes italiennes, un énorme rocher se décroche de la montagne et cause la mort d’un pêcheur. Les anciens disent que c’est la Main de Pierre, qui protégeait la région des esprits. Simple légende ? Pourtant, des vagues agitent la surface du lac. Un champion de kayak chavire sans raison. Une femme entend soudain son mari mort il y a plus de vingt ans. Et un gardien trouve des empreintes… mais de quoi ? Blu, une jeune fille aux yeux couleur d’eau, a l’impression que des voix essaient de lui parler. Qui êtes-vous, les Vous ?

J’aime beaucoup cet auteur donc je n’ai pas hésité une seconde à me lancer dans cette lecture au titre énigmatique et à la si belle couverture.
Si le côté science-fiction de ce roman et un petit moment poussif à la fin de ce premier tiers m’ont freinée, le rythme haletant, l’action et les rebondissements ont ensuite fait leur œuvre et je l’ai croqué en un rien de temps. Davide Morosinotto est vraiment un auteur formidable, qui passe d’un genre à l’autre, d’un style à l’autre avec classe et efficacité. Ici le fond de l’intrigue est assez simple, peut-être pour une tranche d’âge cible plus jeune mais le récit ne manque pas de piquant. Comme chaque fois, les personnages sont travaillés et consistants et leur environnement fouillé. L’espace d’un instant, on y est, tout simplement, c’est la magie des romans de Davide Morosinotto !
Si ma préférence reste au Célèbre catalogue Walker & Dawn, je dois reconnaître qu’il met encore en plein dans le mille (ou presque) avec ce nouveau roman.