Monthly Archives: April 2024

Les veuves de Malabar Hill – Une aventure de Perveen Mistry

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De Sujata Massey
Paru chez Charleston

Bombay, 1921.
Perveen Mistry travaille dans le cabinet d’avocats de son père, devenant la toute première femme avocate en Inde. Un statut qui ne manque pas de faire débat, alors que seuls les hommes sont autorisés à plaider au tribunal… Mais quand un meurtre est commis dans une riche maison musulmane pratiquant la purdah (séparation stricte des femmes et des hommes), elle est la seule à pouvoir mener l’enquête.
Une enquête passionnante, qui nous plonge au cœur de la société indienne du début du XXe siècle et de la place qu’y occupent les femmes.

Je suis tombée sur ce livre par hasard, via des copines lectrices amatrices de cosy mysteries. Les cosy sont en vogue actuellement mais sont malheureusement très inégaux. Celui-ci a un parfum exotique, en nous faisant voyager dans l’Inde des années 20 (voire plus tôt dans les flashbacks), tout en gardant un petit côté british, colonisation oblige. Le récit s’appuie sur un contexte historique étayé et passionnant.
L’intrigue est tout aussi enthousiasmante, avec une héroïne très attachante, alternant entre périodes du passé, où nous découvrons l’histoire de Perveen, et périodes au présent, où elle va mener son enquête malgré le fait qu’elle soit une « simple femme ». Ici encore, l’enquête s’appuie sur des bases solides et les deux époques apportent énormément d’informations sur les traditions des différentes communautés, la culture indienne et le mode de vie de l’époque, offrant un environnement riche et dépaysant. L’intrigue est suffisamment étoffée et dynamique pour maintenir l’attention jusqu’au bout. L’enquête fonctionne parfaitement et est bien dosée.
De mon point de vue, c’est une réussite pour ce cosy atypique qui a du fond, tout en étant très abordable, grâce à la fluidité du texte. Encore un cosy qui se démarque !

Madame Mohr a disparu

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Maryla Szymiczkowa (nom de plume du duo d’auteurs Jacek Dehnel et Piotr Tarczinsky)
Traduction Marie Furman-Bouvard
Paru chez Agullo

Cracovie, 1893. Zofia Turbotyńska, sans enfants, mariée à un professeur d’université, s’efforce de gagner sa place dans la haute société cracovienne. Dans ce but, et pour lutter contre l’ennui de sa vie domestique, elle s’engage au service d’une cause caritative : la Maison Helcel, maison de soins privée pour les malades et les vieux. Lorsqu’une résidente, Mme Mohr, est trouvée morte dans le grenier, le médecin conclut à une crise cardiaque. Mais Zofia, grande lectrice de romans policiers, y voit aussitôt un acte criminel et décide d’enquêter.

Les cosy mysteries sont très en vogue depuis quelque temps. Cet engouement est facile à comprendre : il s’agit de livres assez courts, faciles et agréables à lire et faisant souvent partie d’une série au plus ou moins long cours, ce qui permet de s’attacher au personnage principal. Ce fantastique cosy (et non cosy fantastique, nuance qui a son importance) se déroule dans la bonne société cracovienne de 1893 et tout comme la danse du même nom, son tempo tranquille au départ, devient ensuite de plus en plus vif…

Les auteurs croquent avec délectation cette société polonaise d’un 19e siècle vieillissant mettant en scène une galerie de personnages hauts en couleur. Zofia bourgeoise pleine d’ambition et piètre poète qui mène son petit monde (et au-delà) à la baguette est au centre de l’action, accompagnée de rôles secondaires intéressants.

On plonge avec délices dans la grande vie du Cracovie de l’époque, où le monde est si petit, au rythme de ses temps forts historiques : l’inauguration du nouveau théâtre de Cracovie, les obsèques du grand peintre Jan Matejko…
C’est là que réside d’ailleurs la force de ce roman. Le contexte historique est passionnant et parfait pour accueillir notre intrigue. L’ambiance est bien posée et représente une originalité singulière au regard de la plupart des cosys. Par ailleurs, la satire de la société bourgeoise polonaise ajoute encore au plaisir de lecture. N’ayant pas cette culture, on passe certainement à côté de sous-entendus ou traits d’esprits mais qu’importe, le ton est résolument ironique et c’est bien agréable. Les auteurs jouent à fond la carte du second degré et de la dérision et cela fonctionne parfaitement.

Zofia devient au fil des pages une héroïne très convaincante dans son nouveau rôle, digne des plus grands enquêteurs de polars littéraires (une petite pensée pour Miss Marple), donnant envie de prolonger l’aventure avec les prochains tomes à venir. L’enquête elle-même est suffisamment étoffée et habilement construite pour rester intéressante jusqu’au bout. J’ai toutefois regretté que les révélations finales ne soient pas mieux distillées en amont. Elles le sont bien sûr, sinon l’enquête ne fonctionnerait pas, mais pas assez à mon goût.
Il s’agit d’une lecture légère, rythmée, amusante très sympa, qui place la barre assez haut dans le milieu du cosy.

L’assassin royal Première époque (tomes 1 à 6)

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De Robin Hobb
Paru chez Pygmalion/J’ai lu en tomes uniques ou en intégrales (il existe plusieurs éditions de chaque)

Fitz est le bâtard d’un des princes des Six Duchés. Abandonné aux soins de Burrich, le maître d’écuries, il grandit à la Cour dans le mépris des autres. Cependant, il est loin d’être inutile au roi, grâce à ses liens de sang, aussi devient-il à l’adolescence l’homme lige du souverain. En échange d’une éducation et d’un foyer, il donne sa parole de toujours servir le roi même si sa mission doit rester secrète.

En attaquant le tome 1 de l’assassin royal, on part pour une épopée au long cours. La première époque comporte 6 tomes et la seconde 7 tomes (sans compter les ramifications et autres aventures dans le même univers). Les lecteurs mesurés aimant étaler leurs sagas dans le temps auront du mal à trouver leur compte ici, d’une part parce que le découpage des tomes anglais a été fait curieusement en français et qu’il est impossible de s’arrêter à la fin de certains tomes et d’autre part parce que Robin Hobb sait y faire pour rendre le récit addictif…
Concernant le découpage, je conseille donc de privilégier les intégrales, qui ont le mérite de ne pas laisser le lecteur démuni en cas de fin un peu trop abrupte. Ainsi, la première époque se sépare en deux tomes d’intégrale, sachant que les 3 tomes contenus dans la seconde intégrale sont en fait un seul et même tome en anglais, détail qui a son importance pour apprécier l’enchaînement des événements et la montée en puissance de l’intrigue. Il convient donc de prévoir de les lire à la suite, pour une immersion complète (ce qui ne va pas contribuer le moins du monde à développer le niveau de sociabilité du lecteur mordu).

Il s’agit ici de fantasy, dans un univers médiéval bien campé plutôt original. Le récit, dense et plein de surprises, nous entraîne rapidement dans des intrigues de cour, des complots, avec leur lot d’alliances ou de trahisons qui offrent au lecteur de multiples rebondissements pour une lecture au long cours plus que réjouissante qui nous entraîne loin loin loin sans que l’on voie passer le temps.

Côté personnages, la mise en place fonctionne parfaitement avec des personnages travaillés, auxquels on s’attache très vite (ou pas). Les caractères sont entiers et les personnages très humains, avec chacun leurs bons et moins bons côtés, ce qui les rend parfaitement crédibles, renforçant encore l’attachement que l’on peut éprouver à leur égard.

Une excellente saga merveilleusement dosée qui vaut totalement le coup, avec la certitude de passer un excellent moment.