La bibliothèque enchantée

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Mohammad Rabie
Paru chez Actes Sud

Chaher, jeune fonctionnaire du ministère des “Biens de mainmorte”, se voit confier une mission inhabituelle : rédiger pour la forme un rapport sur une bibliothèque oubliée du Caire que l’État veut raser pour faire passer une nouvelle ligne de métro. Il se décide pourtant à mener sérieusement son enquête et, peu à peu, tout un monde mystérieux et labyrinthique s’ouvre à lui dans cette bâtisse délabrée et poussiéreuse où les ouvrages sont entassés sans cotation ni indexation et où l’on trouve des traductions dans toutes les langues imaginables. Fasciné par l’étrange bibliothèque, il ne l’est pas moins par la poignée d’originaux qui la fréquentent, comme Ali, célèbre traducteur ayant perdu toute foi en son métier, ou “Jean le copiste”, homme mutique ayant passé sa vie à photographier des livres page après page et, surtout, Sayyid, vieil intellectuel nihiliste, cynique et truculent, qui connaît la bibliothèque comme sa poche mais n’est pas prompt à divulguer ses secrets.

Dans ce roman surprenant, Mohammad Rabie tisse d’une main de maître une double trame narrative. Entre la voix de Chaher et celle de Sayyid, son récit dévoile des franges de marginalité, loin de l’étau suffocant de la bureaucratie, et des strates de rêves et de légendes sous l’épiderme racorni de la ville.

Quel roman étrange. Séduite par la sublime couverture qui en plus d’être esthétique, pousse à la réflexion et intriguée par le résumé, j’ai attaqué cette lecture avec entrain, avant de lever le pied, décontenancée par cette lecture.

Le texte est complexe, avec de nombreuses références littéraires et très contemplatif. Il ne se passe finalement pas grand-chose. Cela dit, ce n’est pas le but de ce genre de livre. Dans ce cas, le mystère est maintenu tout du long, sans que l’action ne vienne. Tout au plus sera-t-il clôturé par une fin fantastique,  qui restera toutefois énigmatique. Le récit évolue ainsi par petites touches, au fur et mesure que nous faisons connaissance avec les personnages, comme si cette histoire et cette bibliothèque mystérieuse se méritaient.

Soulignons au passage l’ironie de l’auteur qui évoque la lecture d’un roman correspondant très sérieusement aux caractéristiques du sien et vertement critiqué par le personnage principal.

Au final, le récit reste intéressant (en tant que traductrice, j’ai lu avec intérêt les considérations concernant la traduction, la fidélité au texte en passant  d’une langue à l’autre, la recherche du mot juste…) et je pense qu’il s’agit d’une de ces lectures qui doivent être digérées et dont des bribes reviennent hanter le lecteur longtemps après. On verra !

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