Arpenter la nuit

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De Leila Mottley
Paru chez Albin Michel

Kiara Johnson est une Noire-Américaine de 17 ans dont l’existence n’a rien à voir avec celle que sont censées vivre les filles de son âge. Habitant seule à Oakland, Californie, avec son frère aîné Marcus depuis que leur mère a été envoyée dans un centre de réinsertion, elle se démène au quotidien pour trouver de quoi payer les factures. Face à l’irresponsabilité de Marcus, tout entier dédié à son rêve de devenir rappeur, elle n’a comme sources de réconfort que sa meilleure amie Alé et le fils de sa voisine, Trevor, âgé de 9 ans, dont elle s’occupe quand sa mère disparaît sans prévenir. Mais lorsque le propriétaire de leur appartement menace d’augmenter le loyer, elle se retrouve à faire le trottoir, déterminée à survivre dans ce monde qui refuse de la protéger. Tout bascule le soir où Kiara monte dans la voiture de deux agents de police. Ces derniers lui proposent alors, en échange de sa liberté, un infâme accord qui va la propulser au cœur d’une violente tempête médiatique…

Premier roman de cette jeune autrice…
Il s’agit d’une fiction, au sens où Kiara, le personnage principal n’existe pas dans la vie réelle, et même temps presque d’une non-fiction parce que le récit est inspiré de faits réels et que tas de filles pourraient être Kiara. Des tas de filles qui se battent pour leur liberté, pour survivre au quotidien. Alors oui, Kiara choisit la voie de la prostitution et les bien-pensants diront “elle l’a cherché, elle n’a eu que ce qu’elle mérite”. Mais en fait non, personne n’a le droit d’exploiter une autre personne ou de profiter de sa faiblesse, et encore moins les forces de l’ordre qui devraient constituer au contraire un rempart contre les abus.
Si le thème central de l’intrigue (les ripoux) n’a rien de nouveau (mais tous les thèmes n’ont ils pas déjà abordés en littérature ?), la façon dont il est traité par les yeux et les ressentis de Kiara est en revanche intéressante, immersive et pleine d’émotions.
Il s’agit en effet avant tout de l’histoire d’une adolescente qui perd pied et que l’on accompagne dans sa noyade. Une presque femme mais pourtant pas tout à fait, qui doit gérer l’inconstance et l’égoïsme masculin. Dans ce roman, les hommes sont soit démissionnaires, soit profiteurs. La descente aux enfers lors de ce sacrifice de soi est longue, jusqu’à ce qu’on touche enfin le fond, que l’on remonte très lentement en espérant arriver peut-être à reprendre son souffle, avant de terminer sur une note un peu moins sombre.
L’écriture est fluide et l’intrigue bien dosée. Malgré son côté un peu glauque et sa noirceur qui n’épargne rien au lecteur et le prend aux tripes, c’est un roman très immersif qu’il est difficile de lâcher et qu’il sera difficile d’oublier.

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