Rivage de la colère

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De Caroline Laurent
Editions Les Escales

Au coeur de l’océan Indien, ce roman de l’exil met à jour un drame historique méconnu. Et nous offre aussi la peinture d’un amour impossible. Août 1967. Après 157 ans de présence coloniale britannique, l’île Maurice accède à l’indépendance. Pour Marie Ladouceur, qui vit sur l’île de Diego Garcia aux Chagos, un archipel rattaché à Maurice, c’est un non-événement. La seule chose qui lui importe alors est d’aimer, et surtout de se faire aimer d’un jeune homme à la silhouette d’oiseau, Gabriel Neymorin. Marie a vingt-deux ans, deux fossettes dans les joues, une peau noire aux reflets d’or. Depuis toujours elle va pieds nus, sans chaussures ni brides pour l’entraver, libre. Elle sait que Gabriel, venu spécialement de Maurice pour seconder l’administrateur de l’île, est tout ce qu’elle n’est pas : un bourgeois, un intellectuel, un ” bon créole “.

Un roman d’amour… Pourquoi commencer par ce point ? Mais parce que c’est tout de même le cœur de ce récit et que c’est une histoire d’amour exaltante qui nous est proposée là. Une histoire qui a tout pour échouer de base, contrecarrée par les aléas de l’Histoire. Une histoire d’amour tout sauf simple sur fond de disparité sociale et de luttes de classe. Une histoire, enfin, qui réserve des surprises jusqu’au bout et ballote le lecteur à sa guise.

Des personnages forts… Les personnages de ce roman sont extraordinaires, quel que soit le côté où ils se trouvent. Cette lecture est une réussite, rien que pour les personnages.

Un roman historique… sous l’histoire, il y a l’Histoire ! Qui a déjà entendu parler des Chagos ? Peu de gens sans doute. En tout cas, on n’en parle pas à l’école… L’Histoire des Chagos est passée sous silence, balayée par les intérêts mondiaux stratégiques, les alliances, les combines, au détriment des êtres humains. Alors que ce qui s’est passé est absolument révoltant : interdire aux gens de rentrer chez eux, forcer les habitants restants à l’exil pour les abandonner ensuite à leur triste sort (et on reconnaît bien là les hautes manœuvres qui ne se préoccupent pas vraiment des “dégâts collatéraux”) et, pire encore, savoir que cette situation est toujours d’actualité. Une chape de silence de plomb pèse sur les chagossiens… C’est une honte et ce sont des pays dit civilisés (qui ne se gênent pas pour critiquer les actions de pays qu’ils supposent moins civilisés) qui en sont à l’origine.

Vous l’aurez compris, ce roman est pour moi un coup de cœur. Je l’ai lu avec plaisir et il m’a beaucoup touchée et remuée. C’est un roman nécessaire qui interpelle le lecteur et le force à réfléchir. Caroline Laurent a choisi de traiter l’Histoire des Chagos par le biais de la fiction et je pense que c’était la meilleure façon de le faire. Bravo !

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