Tag Archives: Goncourt

La plus secrète mémoire des hommes

Standard

De Mohamed Mbougar Sarr
Paru chez Philippe Rey

En 2018, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, découvre à Paris un livre mythique, paru en 1938 : Le Labyrinthe de l’inhumain. On a perdu la trace de son auteur, qualifié en son temps de ” Rimbaud nègre “, depuis le scandale que déclencha la parution de son texte. Diégane s’engage alors, fasciné, sur la piste du mystérieux T. C. Elimane, où il affronte les grandes tragédies que sont le colonialisme ou la Shoah. Du Sénégal à la France en passant par l’Argentine, quelle vérité l’attend au centre de ce labyrinthe ?
D’une perpétuelle inventivité, La plus secrète mémoire des hommes est un roman étourdissant, dominé par l’exigence du choix entre l’écriture et la vie, ou encore par le désir de dépasser la question du face-à-face entre Afrique et Occident. Il est surtout un chant d’amour à la littérature et à son pouvoir intemporel.

La plus secrète mémoire des hommes a suscité énormément d’intérêt à sa sortie avec de nombreuses sélections à des prix littéraires. Il sera lauréat du Goncourt 2021.
Aucun doute, l’auteur est brillant, cultivé (Il a d’ailleurs la bonne idée de ne pas étaler sa culture à mauvais escient, merci !) et son roman est extrêmement bien construit, sans aucune entrave quelle qu’elle soit dans les choix qui sont faits, pour un résultat très original. Avec La plus secrète mémoire des hommes, on part pour une grande épopée qui nous offre une aventure hors du commun dans le cadre d’une quête au long cours pour retrouver le mystérieux auteur d’un seul et unique roman désormais introuvable qui, après avoir initialement séduit, a été ensuite décrié et voué aux gémonies…
Sous une apparence inoffensive de quête littéraire et une belle ode à la littérature, ce roman s’interroge sur la place de l’écrivain, mais surtout sur le rapport entre la langue et la littérature françaises et la littérature francophone de ceux qui le sont devenus par la force, que l’on ne peut par conséquent qualifier de littérature étrangère tout en la considérant un peu comme telle.

Mon seul regret, finalement, serait qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage tout public. Il faut parfois s’accrocher un peu lors de la lecture de ce roman dense, mais il en vaut largement la peine !

Vivre vite

Standard

De Brigitte Giraud
Paru chez Flammarion

« J’ai été aimantée par cette double mission impossible. Acheter la maison et retrouver les armes cachées. C’était inespéré et je n’ai pas flairé l’engrenage qui allait faire basculer notre existence. Parce que la maison est au cœur de ce qui a provoqué l’accident. » En un récit tendu qui agit comme un véritable compte à rebours, Brigitte Giraud tente de comprendre ce qui a conduit à l’accident de moto qui a coûté la vie à son mari le 22 juin 1999. Vingt ans après, elle fait pour ainsi dire le tour du propriétaire et sonde une dernière fois les questions restées sans réponse. Hasard, destin, coïncidences ? Elle revient sur ces journées qui s’étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu’à produire l’inéluctable.

Brigitte Giraud revient dans ce roman sur les questions qui tournent en boucle dans sa tête depuis le décès de son mari, une vingtaine d’années plus tôt. Et si, et si, et si… Elle explore ces « pistes » jusqu’à l’obsession et nous livre ici un texte lumineux et léger malgré le sujet, qui se mue en véritable cri d’amour au fil des pages. Le récit parfaitement ciselé ne donne aucune impression de « voyeurisme » au lecteur. Rien de superflu, mais pas de précipitation non plus dans ce texte subtil et touchant.

Un roman authentique à la fois profond et très accessible pour lequel l’autrice a sans aucun doute mérité son prix Goncourt (2022).